Le présent texte constitue un ouvrage de référence faisant partie intégrante de la "Banque de textes juridiques historiques" du Réseau juridique du Québec.
L'information disponible est à jour à la date de sa rédaction seulement et ne représente pas les changements législatifs et jurisprudentiels en vigueur depuis sa rédaction.
Introduction
Partie II : Le dossier de l'usager
Partie III : Les droits accessoires au droit d’accès du dossier médical
Le secret professionnel est l’obligation imposée à un professionnel de garder secrète les informations qu’il obtient sur son client dans le cadre de l’exercice de sa profession.
2. Qui est tenu au secret professionnel ?
Pour qu’une personne soit tenue au secret professionnel, il faut que la loi lui impose ce devoir. Au Québec, tous les professionnels, c’est-à-dire toutes les personnes qui sont membres d’un ordre professionnel reconnu selon le Code des professions, sont tenus à une telle obligation, selon les dispositions de l'article 60.4 du Code " Le professionnel doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle qui vient à sa connaissance dans l'exercice de sa profession ".
Le Code des professions oblige de plus tous les ordres professionnels à adopter, dans leur code de déontologie, des dispositions visant à préserver le secret des renseignements de nature confidentielle qui viennent à la connaissance des membres de l’ordre dans l’exercice de leur profession.
Les personnes qui dispensent des services sans être membres d’un ordre professionnel ne sont pas visées par les règles du secret professionnel. Elles sont quand même tenues à une obligation de confidentialité si elles travaillent pour un établissement de santé. De plus, elles sont tenues de respecter la vie privée d’autrui. Cependant, la protection de l’information que donne une personne à un thérapeute qui n’est ni membre d’un ordre professionnel, ni employée d’un établissement de santé n’est pas assurée.
En pratique, les codes de déontologie de chaque ordre professionnel définissent l’étendue de l’obligation au secret professionnel. Les codes de déontologie des ordres professionnels sont en général assez rigides quant à l’étendue du secret professionnel. À titre d’exemple, celui des infirmières et infirmiers le définit comme suit :
" L'infirmière ou l'infirmier doit respecter les règles prévues au Code des professions relativement au secret qu'il doit préserver quant aux renseignements de nature confidentielle qui viennent à sa connaissance dans l'exercice de sa profession et des cas où il peut être relevé de ce secret."
Quant au Code de déontologie des médecins, il reprend les dispositions semblables, mais avec quelques nuances que nous ne retrouvons pas dans les autres codes de déontologie. Par exemple, l'obligation au secret professionnel des médecins est ainsi définie :
"Le médecin, aux fins de préserver le secret professionnel :
En pratique, dès lors que s'établit une relation professionnel-client, toute l'information divulguée par le client tombe sous la règle du secret professionnel.
3. Le contenu de l’information protégée
Toute l’information rassemblée par le professionnel sur une personne, dans le cadre de sa relation avec celle-ci, est protégée par l’obligation au secret professionnel.
Seule l’information qui a un caractère notoire, c’est-à-dire l’information que n’importe qui peut connaître facilement, n’est pas protégée. Par exemple, le fait qu’une personne soit paraplégique et se déplace en fauteuil roulant est un fait que n’importe qui peut percevoir : il ne s’agit donc pas d’une information protégée.
L’essence même du secret professionnel se trouve dans les confidences que la personne fait au professionnel, spécifiquement en raison du statut de professionnel de la personne qui reçoit la confidence. Les personnes ne se confieraient pas ainsi si celui ou celle à qui elles transmettent les informations n’avait pas ce statut de professionnel. La personne fait une confidence en raison de la confiance qu’elle a envers le professionnel.
La confiance est la fibre même de la relation professionnelle, elle impose donc au professionnel une lourde responsabilité pour la maintenir. Le professionnel doit respecter son obligation même lorsque la relation professionnelle est terminée. Il la conserve tant que la personne qui lui a fait la confidence ne l’a pas relevé de cette obligation ou à moins que la loi ne lui permette de divulguer cette information. En pratique, le professionnel doit garder le secret sa vie durant, et ce, même si le client est décédé.
4. Quel est l’effet du secret professionnel ?
Pour comprendre l’effet et la portée du secret professionnel, l’article 9 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec énonce ce qui suit:
" Toute personne tenue par la loi au secret professionnel et tout prêtre ou autre ministre du culte ne peuvent, même en justice, divulguer les renseignements confidentiels qui leur ont été révélés en raison de leur état ou profession, à moins qu’ils n’y soient autorisés par celui qui leur a fait ces confidences ou par une disposition expresse de la loi.
Le tribunal doit, d’office, assurer le respect du secret professionnel."
Il n’existe que deux situations permettant au professionnel de divulguer l’information protégée par le secret professionnel : l’accord préalable de la personne qui lui a fait une confidence, ou encore une disposition expresse de la loi lui permettant de divulguer certaines informations sans la permission de l’auteur de cette confidence. Ces exceptions seront interprétées très littéralement et de manière restrictive.
Le secret professionnel entre le professionnel et la personne qui a fait les confidences n'existe pas. Ainsi, le professionnel ne peut jamais invoquer le secret professionnel pour refuser de fournir une information le concernant à son client. De plus, il n’existe pas de secret professionnel entre les membres d’une équipe traitante. Les informations rassemblées par un membre de l’équipe peuvent être partagées avec les autres membres de l’équipe, dans la mesure où elles sont pertinentes. La personne qui est traitée par une équipe doit être informée que les confidences qu’elle peut faire à une personne peuvent être transmises aux autres membres de l’équipe. En acceptant d’être traitée par une équipe, la personne renonce implicitement à son droit au secret professionnel à l’égard de l’ensemble des membres de l’équipe traitante. C'est ce qu'on appelle le secret professionnel partagé.
5. La divulgation autorisée par le client
Le secret professionnel est un droit pour celui qui fait la confidence et une obligation pour celui qui la reçoit. Le secret professionnel appartient donc à la personne qui fait les confidences: c'est elle qui est bénéficiaire ou titulaire du droit au secret professionnel.
La personne peut renoncer, en tout ou en partie, à son droit au secret professionnel. Sa renonciation peut être expresse ou tacite. Elle est expresse lorsqu’elle autorise explicitement ou formellement le professionnel à divulguer à un tiers tout ou partie de l’information et le professionnel doit se conformer à cette demande, selon les conditions définies par le bénéficiaire du droit au secret professionnel. La loi n'exige pas de formalité particulière pour relever un professionnel de son obligation au secret professionnel. L'écrit n'est donc pas nécessaire, même s'il peut être utile pour fin de preuve.
Le bénéficiaire du secret professionnel peut aussi y renoncer implicitement. Par exemple, une personne vient consulter son médecin, accompagnée d’un proche ; elle renonce ainsi implicitement à son droit au secret professionnel à l’égard de ce proche quant aux informations divulguées par le professionnel pendant l'entrevue.
La jurisprudence a également statué qu’une personne qui, dans le cadre d’un litige judiciaire ou administratif, met en cause son état de santé renonce à son droit au secret professionnel à l’égard des professionnels qui lui ont fourni des services reliés au litige. Il s’agit ici de toute forme de litiges qu’un tribunal peut éventuellement trancher ce qui inclut notamment les tribunaux judiciaires, les arbitres ou les tribunaux administratifs.
6. La divulgation autorisée par la loi
Il existe plusieurs dispositions de la loi qui autorisent un professionnel à divulguer de l’information à des tiers, sans l’autorisation de l’auteur des confidences. Il est important pour une personne qui consulte un professionnel de savoir que certains éléments de l’information qu’elle donne à un professionnel, ou que ce dernier rassemble sur elle, seront peut-être transmis à d’autres personnes, sans son autorisation ni même sa connaissance.
Lorsque la loi prévoit la divulgation à des tiers d’informations autrement protégées par le secret professionnel, cette divulgation doit faire l’objet d’une interprétation étroite et stricte. En pratique, on donne toujours une interprétation littérale à toutes les exceptions à la règle du secret professionnel prévues dans la loi. Le Code de déontologie des médecins prévoit que le médecin peut divulguer à des tiers des faits dont il a eu personnellement connaissance dans trois situations :
a. lorsque le patient
l’y autorise,
b. lorsque la loi l’y autorise ou l'ordonne,
c. lorsqu’il y a une raison raison impérative et juste ayant trait à la santé ou la sécurité du patient ou de son entourage.
De plus, le médecin ne peut révéler à l'entourage du patient un pronostic grave ou fatal, si celui-ci le lui interdit. Dans tous les cas où le médecin souhaite divulguer un tel pronostic, il doit donc toujours, au préalable, obtenir l'accord de son patient.
Il existe dans la loi plusieurs exceptions à la règle du secret professionnel. Nous énoncerons ci-dessous les plus importantes, soit celles visant à assurer la protection :
7. La protection de la santé publique
Dans le but de protéger la santé publique et de prendre les mesures appropriées selon le cas, la loi prévoit des mécanismes de transmission de certaines informations qui peuvent être utiles pour atteindre ces fins.
La loi impose au Ministre de la santé de dresser, par règlement, une liste des intoxications, infections et maladies qui doivent faire l'objet d'une déclaration au directeur de santé publique du territoire et, dans certains cas, au directeur national de santé publique ou à l'un et l'autre. Ne peuvent être inscrites à cette liste que les maladies, intoxications et infections médicalement reconnues comme pouvant constituer une menace à la santé d'une population et nécessitant une vigilance des autorités de santé publique ou la tenue d'une enquête épidémiologique. La liste de ces maladies, infections et intoxications à déclaration obligatoire se retrouve dans le règlement ministériel d'application de la Loi sur la santé publique (R.R.Q. c. S-2-2, r. 2.). Ainsi, la loi impose à tout médecin qui diagnostique une intoxication, une infection ou une maladie inscrite à la liste dressée par le ministre ou qui constate la présence de signes cliniques caractéristiques de l'une de ces intoxications, infections ou maladies, chez une personne vivante ou décédée, de déclarer ce cas au directeur de santé publique du territoire ou, dans certains cas, au directeur national de santé publique ou à l'un et à l'autre.
Cette déclaration doit indiquer le nom et l'adresse de la personne atteinte, et tous les autres renseignements, personnels ou non, prescrite par règlement du ministre.
En plus des maladies à déclaration obligatoire, la loi prévoit également que le Ministre dresse, par règlement, une liste de maladies ou d'infections contagieuses pour lesquelles toute personne qui en est atteinte doit obligatoirement se soumettre aux traitements médicaux requis pour éviter toute contagion. Il ne pourrait être inscrit à cette liste que les maladies ou infections contagieuses médicalement reconnue comme pouvant constituer une menace grave à la santé d'une population et pour lesquelles un traitement efficace pour mettre un terme à la contagion existe.
8. La protection de la jeunesse
Une autre importante exception au droit à la confidentialité et au secret professionnel se retrouve dans la Loi sur la protection de la jeunesse :
Article 39 : " Tout professionnel qui, par la nature même de sa profession, prodigue des soins ou toute autre forme d’assistance à des enfants et qui, dans l’exercice de sa profession, a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un enfant est ou peut être considéré comme compromis au sens de l’article 38 ou au sens de l’article 38.1, est tenu de signaler sans délai la situation au directeur; la même obligation incombe à tout employé d’un établissement, à tout enseignant, à toute personne œuvrant dans un milieu de garde ou à tout policier qui, dans l’exercice de ses fonctions, a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un enfant est ou peut être considéré comme compromis au sens de ces dispositions.
Toute personne autre qu’une personne visée au premier alinéa qui a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un enfant est considéré comme compromis au sens des paragraphes d et e du deuxième alinéa de l’article 38 est tenue de signaler sans délai la situation au directeur.
Toute personne autre qu’une personne visée au premier alinéa qui a un motif raisonnable de croire que la sécurité ou le développement d’un enfant est ou peut être considéré comme compromis au sens des paragraphes a, b, c ou f du deuxième alinéa de l’article 38 ou au sens de l’article 38.1, peut signaler la situation au directeur.
Toute personne visée au présent article peut, à la suite du signalement qu’elle a effectué, communiquer au directeur toute information pertinente liée au signalement concernant la situation de l’enfant, en vue d’assurer la protection de ce dernier.
Les premier, deuxième et quatrième alinéas s’appliquent même aux personnes liées par le secret professionnel, sauf à l’avocat et au notaire qui, dans l’exercice de leur profession, reçoivent des informations concernant une situation visée à l’article 38 ou 38.1. "
Article 38 : " Pour l’application de la présente loi, la sécurité ou le développement d’un enfant est considéré comme compromis lorsqu’il se retrouve dans une situation d’abandon, de négligence, de mauvais traitements psychologiques, d’abus sexuels ou d’abus physiques ou lorsqu’il présente des troubles de comportement sérieux.
On entend par:
a) abandon: lorsque les parents d’un enfant sont décédés ou n’en assument pas de fait le soin, l’entretien ou l’éducation et que, dans ces deux situations, ces responsabilités ne sont pas assumées, compte tenu des besoins de l’enfant, par une autre personne;
b) négligence:
1° lorsque les parents d’un enfant ou la personne qui en a la garde ne répondent pas à ses besoins fondamentaux :
i. soit sur le plan physique, en ne lui assurant pas l’essentiel de ses besoins d’ordre alimentaire, vestimentaire, d’hygiène ou de logement compte tenu de leurs ressources;
ii. soit sur le plan de la santé, en ne lui assurant pas ou en ne lui permettant pas de recevoir les soins que requiert sa santé physique ou mentale;
iii. soit sur le plan éducatif, en ne lui fournissant pas une surveillance ou un encadrement approprié ou en ne prenant pas les moyens nécessaires pour assurer sa scolarisation;
2° lorsqu’il y a un risque sérieux que les parents d’un enfant ou la personne qui en a la garde ne répondent pas à ses besoins fondamentaux de la manière prévue au sous-paragraphe 1°;
c) mauvais traitements psychologiques: lorsque l’enfant subit, de façon grave ou continue, des comportements de nature à lui causer un préjudice de la part de ses parents ou d’une autre personne et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation. Ces comportements se traduisent notamment par de l’indifférence, du dénigrement, du rejet affectif, du contrôle excessif, de l’isolement, des menaces, de l’exploitation, entre autres si l’enfant est forcé à faire un travail disproportionné par rapport à ses capacités, ou par l’exposition à la violence conjugale ou familiale;
d) abus sexuels:
1° lorsque l’enfant subit des gestes à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, de la part de ses parents ou d’une autre personne et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation;
2° lorsque l’enfant encourt un risque sérieux de subir des gestes à caractère sexuel, avec ou sans contact physique, de la part de ses parents ou d’une autre personne et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation;
e) abus physiques:
1° lorsque l’enfant subit des sévices corporels ou est soumis à des méthodes éducatives déraisonnables de la part de ses parents ou de la part d’une autre personne et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation;
2° lorsque l’enfant encourt un risque sérieux de subir des sévices corporels ou d’être soumis à des méthodes éducatives déraisonnables de la part de ses parents ou d’une autre personne et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation;
f) troubles de comportement sérieux: lorsque l’enfant, de façon grave ou continue, se comporte de manière à porter atteinte à son intégrité physique ou psychologique ou à celle d’autrui et que ses parents ne prennent pas les moyens nécessaires pour mettre fin à la situation ou que l’enfant de 14 ans et plus s’y oppose. "
Article 38.1 : " La sécurité ou le développement d’un enfant peut être considéré comme compromis:
a) s’il quitte sans autorisation son propre foyer, une famille d’accueil ou une installation maintenue par un établissement qui exploite un centre de réadaptation ou un centre hospitalier alors que sa situation n’est pas prise en charge par le directeur de la protection de la jeunesse;
b) s’il est d’âge scolaire et ne fréquente pas l’école ou s’en absente fréquemment sans raison;
c) si ses parents ne s’acquittent pas des obligations de soin, d’entretien et d’éducation qu’ils ont à l’égard de leur enfant ou ne s’en occupent pas d’une façon stable, alors qu’il est confié à un établissement ou à une famille d’accueil depuis un an."
La loi protège également celui qui divulgue l'information. L'article 43 stipule en effet qu'une personne ne peut être poursuivie en justice pour des actes accomplis de bonne foi en vertu de l'article 39. De plus, nul ne peut être contraint de dévoiler l'identité d'une personne qui a agi conformément à l'article 39 sans son consentement.
Peut-il y avoir exception au secret professionnel lorsqu'un professionnel reçoit de l'information mettant en cause la vie d'un tiers ? Depuis le 20 décembre 2001, une nouvelle exception, fort importante, est venue s'ajouter aux nombreuses exceptions à la règle du secret professionnel et prévoit la possibilité pour un professionnel d'avertir un tiers lorsque la vie de ce dernier ou celle de son client est en danger. Elle fait suite à la décision de la Cour Suprême du Canada dans l'affaire Jones c. Smith et à une enquête du coroner dans un cas très grave de violence conjugale. Elle retient certains principes déjà bien affirmés aux Etats-Unis depuis l'affaire Tarasoff c. Regent of California University in Los Angeles et al. L'article 60.4 du Code des professions a été modifié pour y rajouter l'alinéa suivant :
"60.4 Le professionnel doit respecter le secret de tout renseignement de nature confidentielle qui vient à sa connaissance dans l’exercice de sa profession.
Il ne peut être relevé du secret professionnel qu’avec l’autorisation de son client ou lorsque la loi l’ordonne ou l’autorise par une disposition expresse.
Le professionnel peut en outre communiquer un renseignement protégé par le secret professionnel, en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsqu’il a un motif raisonnable de croire qu’un risque sérieux de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable et que la nature de la menace inspire un sentiment d’urgence. Toutefois, le professionnel ne peut alors communiquer ce renseignement qu’à la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou aux personnes susceptibles de leur porter secours. Le professionnel ne peut communiquer que les renseignements nécessaires aux fins poursuivies par la communication.
Pour l’application du troisième alinéa, on entend par «blessures graves» toute blessure physique ou psychologique qui nuit d’une manière importante à l’intégrité physique, à la santé ou au bien-être d’une personne ou d’un groupe de personnes identifiable."
Cette nouvelle dérogation appelle plusieurs explications. Elle ne crée pas, pour le professionnel, une obligation de signalement, mais elle lui en donne la discrétion, sous réserve du devoir général de prudence et de diligence raisonnable du professionnel, ainsi que du devoir, imposé à tout citoyen par l'article 2 de la Charte des droits et libertés de la personne, de porter secours à toute personne dont la vie est en péril.
L'objectif visé est la prévention d'un acte de violence, incluant un suicide. Toutefois, le danger de mort ou de blessures graves doit inspirer un sentiment d’urgence.
Il faut également que la menace vise une personne ou un groupe de personnes identifiable. La menace trop floue ou imprévisible ne justifie pas la dérogation.
Les situations envisagées par la loi ne visent pas que les tiers en danger. Elles peuvent viser l'usager lui-même, dans l'optique de le protéger contre lui-même, si nécessaire et si possible.
La diffusion de renseignement est par ailleurs solidement encadrée. Elle ne peut être faite qu'aux personnes exposées à ce danger, soit les victimes potentielles, ou à leur représentant et aux personnes susceptibles de leur porter secours, tels les policiers, pompiers, ambulanciers, intervenants des centres de crises, etc. De plus, le professionnel ne peut divulguer que les renseignements nécessaires aux fins d'assurer la protection des personnes et la prestation de secours adéquats.
La loi oblige également tous les ordres professionnels sans exception, qu'elles interviennent ou non dans le domaine de la santé, à adopter des règles, dans leur code de déontologie, pour encadrer la divulgation de renseignements à des tiers dans le but d'assurer la protection de la personne.
Le Code de déontologie des médecins encadre les activités de signalement des médecins, à son article 21. Ainsi, le médecin qui communique un renseignement protégé par le secret professionnel doit, pour chaque communication, indiquer dans le dossier du patient les éléments suivants :
Ces obligations imposées à un professionnel sont complétées par les dispositions imposées à l'établissement relativement à la confidentialité du dossier.
10. Déclarations pour les fins de l'état civil
La loi exige, pour les fins d’établissement des actes de l’état civil, que certaines informations soient transmises au Directeur de l’état civil lors de certains évènements, dont la naissance et le décès, par des personnes qui seraient autrement liées par le secret professionnel.
Par exemple, l’accoucheur dresse le constat de naissance d’un enfant et le transmet sans délai au Directeur de l’état civil en vertu des articles 111 et 112 C.c.Q. Également, le médecin constatant le décès d’une personne doit dresser le constat de décès et le transmettre sans délai au Directeur de l’état civil conformément à L’article 122 C.c.Q. Il est à noter toutefois que le constat de décès peut être transmis au Directeur de l’état civil par le directeur des funérailles.
Dans les deux cas, la transmission du constat de naissance ou du constat de décès ne se substitue pas à l’obligation des proches de transmettre eux-mêmes le constat qui leur est remis par l’accoucheur et/ou le médecin au Directeur de l’état civil.
11. La protection des majeurs inaptes
L’obligation du secret professionnel peut céder le pas aux impératifs de la protection des personnes inaptes.
L’article 270 C.c.Q. prévoit que "lorsqu’un majeur, qui reçoit des soins ou des services d’un établissement de santé ou de services sociaux, a besoin d’être assisté ou représenté dans l’exercice de ses droits civils en raison de son isolement, de la durée prévisible de son inaptitude, de la nature ou de l’état de ses affaires ou en raison du fait qu’aucun mandataire désigné par lui n’assure déjà une assistance ou une représentation adéquate, le directeur général de l’établissement en fait rapport au curateur public, transmet une copie de ce rapport au majeur et en informe un des proches de ce majeur (…)".
Le rapport en question comporte de nombreuses informations de nature confidentielle sur le majeur, notamment l’évaluation médicale et psychosociale de celui qui l’a examiné, la nature et le degré de son inaptitude, l’étendue de ses besoins et les autres circonstances de sa condition, l’opinion des évaluateurs sur l’opportunité d’ouvrir un régime de protection à son égard ainsi que, s’ils sont connus, les noms des personnes qui ont la qualité requise pour demander l’ouverture d’un régime de protection.
Les cas qui doivent faire l’objet d’un signalement au Curateur public sont ceux des majeurs inaptes en besoin de protection, soit les majeurs pour lesquels aucune personne ne peut assurer sa protection et la satisfaction de ses besoins. Le devoir de signalement de l’établissement inclut les personnes qui reçoivent des soins tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’établissement (par exemple, les personnes recevant des soins à domicile). Il s’agit d’une obligation légale dont le défaut de le faire en temps utile rend l’établissement et les professionnels traitants responsables si le majeur en subit un préjudice.
Il faut également noter que les proches du majeur inapte ne reçoivent pas une copie du signalement au Curateur public. Ils sont simplement avisés du fait qu’un tel signalement a été fait. Ce n’est que si le signalement mène au dépôt d’une Demande en ouverture d’un régime de protection à l’égard d’un majeur inapte qu’ils pourront prendre connaissance des rapports d’évaluations et de certaines autres informations transmises au Curateur public.
12. La protection des conducteurs
L’article 603 du Code de la sécurité routière prévoit que tout professionnel de la santé peut faire rapport à la Société de l’assurance automobile du Québec des noms, de l’adresse et de l’état de santé d’une personne âgé de 14 ans ou plus qu’il juge inapte à conduire un véhicule routier. Il doit tenir compte des maladies, déficiences incompatibles et situations incompatibles avec la conduite d’un véhicule routier prévues par règlements. Cette disposition constituant une exception au secret professionnel, elle doit être interprétée de façon stricte.
Les professionnels de la santé concernés par cette exception au secret professionnel sont uniquement ceux prévus à la définition de « professionnel de la santé » que nous retrouvons à même le Code de la sécurité routière, soit les médecins, optométristes, ergothérapeute, psychologues, infirmiers et infirmières. Ils ne peuvent divulguer que les renseignements qui leur ont été révélés dans le cadre de leur profession.
Également, il est important de noter que la Société de l’assurance automobile du Québec peut, après réception d’un avis en vertu de l’article 603 du Code de la sécurité routière, suspendre le permis de conduire de la personne en question si sa condition de santé appert incompatible avec la conduite d’un véhicule routier correspondant à la classe de véhicule autorisée selon son permis. Aussi, la Société de l’assurance automobile du Québec peut informer le professionnel de la santé ayant fait la déclaration de sa décision.
Il est à noter également que la loi prévoit qu’aucun recours en dommages et intérêts ne peut être intenté contre un professionnel de la santé qui a transmis de l’information à la Société de l’assurance automobile du Québec peu importe les conséquences sur cette personne.
Finalement, le rapport visé à l’article 603 du Code de la sécurité routière ne peut être mis en preuve dans le cadre d’un procès ou dans des procédures judiciaires ou quasi-judiciaires sauf dans le cas d’un recours devant le Tribunal administratif du Québec relatif aux examens ou aux évaluations médicales demandées par la Société de l’assurance automobile du Québec.
Introduction
Partie II : Le dossier de l'usager
Partie III : Les droits accessoires au droit d’accès du dossier médical
Dernière mise à jour : 29 juin 2018
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