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L'union de fait: votre couple et la loi


Me Meryem Abouamal, avocate du cabinet A.M.A. Solutions Juridiques

Texte original* : Denis Lapierre, avocat, Geraghty, Lapierre et associés


Contenu


Introduction

Depuis 2002, des modifications importantes sont survenues tant au Code civil du Québec ("C.c.Q") qu'en jurisprudence, justifiant une mise à jour du présent article. En effet, le 7 juin 2002, le législateur a introduit au C.c.Q., la notion d'union civile, notion qui sera expliquée plus amplement ci-dessous. Les modifications apportées au C.c.Q. ont une incidence sur plusieurs lois d'application obligatoire visant les conjoints mariés ou unis civilement et, dans certains cas, visant les conjoints de fait.

Le C.c.Q. soumet les époux mariés ou unis civilement à une foule de règles concernant, notamment, la résidence familiale (art. 395 et 401 à 413 C.c.Q.), la prestation compensatoire (art. 427 à 430 C.c.Q.), la distribution de tâches entre les époux (art. 396 et 521.6 C.c.Q.) et le patrimoine familial (art. 414 à 426 C.c.Q.), lequel crée certaines catégories de biens dont la valeur est partageable en parts égales entre les époux (voir à cet effet l'article de Me Lise Giard, "Le patrimoine familial", disponible sur ce site).

Les dispositions relatives au partage du patrimoine familial sont d'application obligatoire et nul ne peut y renoncer à l'avance, hormis les personnes mariées qui auraient au 31 décembre 1989 signé une déclaration d'exclusion à cet effet. Lors de l'introduction de la notion d'union civile dans le C.c.Q., il n'était donc plus possible de s'exclure.

L'application obligatoire des dispositions relatives au patrimoine familial a probablement expliqué en partie la popularité croissante de l'union de fait au Québec. Cependant, cette popularité aurait pu se voir réduite si le législateur avait été tenu de modifier les règles relatives au partage du patrimoine familial pour qu'elles s'appliquent à tous les conjoints, qu'ils soient mariés, unis civilement ou en union de fait, suite au désormais célèbre litige entre Éric et Lola1.

Dans cette affaire, le 3 novembre 2010, la Cour d'appel avait ouvert la porte à l'obligation alimentaire entre conjoints de fait. Cette décision donnait alors au Procureur général du Québec un délai de grâce d'une année afin de permettre de revoir les dispositions législatives se rapportant à l'obligation alimentaire entre conjoints non mariés ou unis civilement.

Dans cette décision, la Cour d'appel s'est également penchée sur la constitutionnalité des règles relatives à l'obligation alimentaire entre conjoints, ainsi que celles se rapportant au partage du patrimoine familial et de la société d'acquêts, à la protection de la résidence familiale et à la prestation compensatoire.

La décision par la suite été portée en appel devant la Cour suprême du Canada. Au mois de mars 2011, la Cour suprême a accepté d'entendre cette affaire.

Le 25 janvier 2013, la Cour suprême s’est prononcée dans ce dossier. Le plus haut tribunal du pays en est venu à la conclusion que le régime qui existe dans le cas des conjoints de fait au Québec doit être maintenu tant quant aux règles relatives au partage des biens appartenant à l’un ou l’autre des conjoints de fait, qu’aux obligations alimentaires entre conjoints découlant de la vie commune.

Par conséquent, les conjoints de fait ne peuvent se réclamer des aliments pour leurs besoins personnels. Quant aux biens acquis par l’un ou l’autre des parties, seuls les biens acquis en copropriété peuvent donner droit à une compensation ou un partage et ce, en fonction des règles applicables aux litiges civils, bien que les tribunaux tendent à faire preuve d’un peu plus de souplesse et permettent parfois que les questions des biens soient également traités dans les dossiers de droit de la famille.

Le nouveau Code de procédure civile permet désormais aux personnes vivant en union de fait, au moment de leur rupture, de partager les biens acquis en commun, dans la mesure où des questions de garde et de pension alimentaire pour enfant issus de l’union de fait doivent être tranchées par le tribunal.

Il est important de noter que depuis le 1er janvier 2016, les parties ont l’obligation d’assister à une séance sur la parentalité après la rupture s’ils sont en désaccord sur les questions touchant la séparation, au moment d’être entendu par les tribunaux. Si des personnes craignent leur conjoint ou sont victimes de violence conjugale, elles peuvent demander une dispense auprès de divers organismes. Il existe également des séances de médiation gratuites en matière familiale qui peuvent aider les conjoints à régler tous ou certains aspects de leur rupture.

Afin de protéger leurs droits, les conjoints de fait peuvent conclure une convention quant à leurs biens, leurs entreprises, leurs enfants, leur maison, leurs droits, leurs obligations et ayant pour but de prévoir les effets de leur rupture éventuelle. L'union de fait offre une liberté de choix pour les couples qui désirent vivre ensemble sans se marier ou sans être unis civilement.

Il existe plusieurs différences importantes entre les droits et obligations des couples mariés ou unis civilement et des conjoints de fait (voir à cet effet l'article "Diverses comparaisons entre conjoints mariés et conjoints de fait", disponible sur ce site).

Le but de ce texte est de bien renseigner les conjoints de faits des implications et limites de leur choix de vie et ainsi de leur éviter de faire face à de nombreux problèmes au moment de la dissolution de leur relation.


CHAPITRE 1 - L'union civil

Le 7 juin 2002 le législateur québécois a adopté la Loi instituant l'union civile et établissant de nouvelles règles de filiation. Compte tenu des règles relativement nouvelles qui s'y rapportaient alors. Nous dresserons ici un parallèle entre les règles se rapportant au mariage et celles visant l'union civile.

L'union civile est, aux termes du C.c.Q. (art. 521.1 C.c.Q.), " l'engagement de deux personnes âgées de 18 ans ou plus qui expriment leur consentement libre et éclairé à faire vie commune et à respecter les droits et obligations liés à cet état. "Il faut donc être majeur pour s'unir civilement, alors que des mineurs peuvent contracter le mariage dans la mesure où ils obtiennent le consentement des parents ou s'ils sont pleinement émancipés. Le C.c.Q. requiert également que l'engagement entre les parties désirant s'unir civilement soit exclusif. Il s’agit là de l’un des éléments identiques entre l’union civile et le mariage.

Les personnes de même sexe et les personnes de sexes opposés peuvent, depuis 2005, se marier et s’unir civilement. Les conjoints sont alors soumis à des règles en substance identiques que ce soit dans le cadre d’une union civile ou d’un mariage. Il est à noter cependant que le mariage religieux demeure une institution réservée aux conjoints hétérosexuels.

Récemment, une controverse a été créée relativement à l’obligation pour un célébrant d’inscrire le mariage au Registre de l’état civil. Au cœur de ce litige, on soulève qu’un mariage religieux n’est pas nécessairement un mariage mais plutôt une union spirituelle requise par les croyances religieuses d’une personne et qui permettrait de se soustraire aux obligations qui découlent du mariage. Cette question est présentement examinée par la Cour d’appel. Reste à voir ce que les tribunaux décideront face à ce concept d’union spirituelle.

En plus de devoir être majeurs, les futurs conjoints ne peuvent être, l'un par rapport à l'autre, un ascendant (père ou mère), un descendant (enfant), un frère ou une sœur. Il faut par ailleurs que les conjoints qui entendent s'unir civilement n'aient pas de liens antérieurs de mariage ou d'union civile.

La preuve de l'union civile se fait par un acte d'union civile, alors que le mariage se prouve par le certificat de mariage.

Afin de contracter une union civile, il est nécessaire d'annoncer l'union par une publication préalable, tout comme pour le mariage. L'union doit également être contractée publiquement devant un célébrant habileté, c'est-à-dire, un notaire, un ministre du culte, un greffier ou un greffier adjoint, ou toute autre personne désignée par la Loi. Par conséquent, un maire, un conseiller municipal, un fonctionnaire peut également être compétent pour célébrer l'union civile.

Une personne majeure ayant obtenu une désignation du ministre, que ce soit un parent ou un ami, par exemple, pourrait également être habilité à célébrer une union civile. Cette désignation n’est toutefois valide que pour les fins du mariage ou de l’union civile pour laquelle la demande a été faite. Les ministres du culte ne peuvent être contraints à célébrer une union civile si cela est contraire à leur religion ou à leur ordre religieux (521.2 C.c.Q.). Ils disposent d'une liberté de choix que les autres célébrants n'ont pas en matière de célébration d'union civile.

Les conjoints unis civilement sont tenus de faire vie commune, tout comme d'ailleurs, les conjoints mariés. Ils se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance et ont, en union civile, les mêmes droits et obligations que les conjoints mariés.

Les effets de l'union civile sont les mêmes que ceux du mariage et les règles applicables quant aux régimes matrimoniaux, la direction de la famille (qu'elle soit morale ou matérielle), à l'exercice de l'autorité parentale, à la contribution des époux aux charges, à la résidence familiale, au patrimoine familial, ainsi qu'à la prestation compensatoire sont les mêmes pour les époux unis civilement que pour les conjoints mariés, compte tenu des adaptations nécessaires.

Il y a cependant une nuance entre le mariage et l'union civile en ce qui a trait au mandat domestique (397 C.c.Q.) et au mandat tacite (398 C.c.Q.). En effet, le législateur n'a pas donné aux conjoints unis civilement les pouvoirs des époux en ces matières, chacun des conjoints unis civilement pourraient donner un mandat à l'autre pour le représenter dans l'exercice de ses droits (art. 443 C.c.Q.).

L'union civile crée une alliance entre les conjoints et leurs parents respectifs (art. 521.7 C.c.Q.) et, de ce fait, un réseau assimilables aux alliés auxquels font référence les dispositions relatives à la curatelle, aux testaments et aux locataires quant à la question du maintien dans les lieux.

Les conjoints unis civilement peuvent conclure un contrat d'union civile. Il s'agit d'un contrat qui doit être conclu avant la célébration de l'union et passé devant un notaire afin d'établir le régime qui régira les parties. A défaut d'avoir conclu un tel contrat, les époux seront alors soumis au régime de la société d'acquêts, soit le même régime s'appliquant aux époux mariés qui n'auront pas fait précéder leur union d'un contrat de mariage.

Les conjoints unis civilement peuvent régler les différends se rapportant à leurs droits et devoirs en présentant une procédure conjointe ou adverse devant la Cour supérieure. Les tribunaux favoriseront alors la conciliation préalable (521.9 C.c.Q.).

L'union civile, tout comme le mariage, peut être annulée si l'union n'est pas contractée en conformité avec les dispositions de la loi (art. 521.10 C.c.Q.). La nullité n'est pas automatique et on peut y opposer plusieurs moyens de défense. L'action en nullité du mariage se prescrit par trois ans depuis sa célébration, sauf si l'ordre public est en cause, auquel cas, la prescription ne s'applique pas.

En cas de nullité de l'union civile, les époux unis civilement peuvent être tenus de payer des aliments à l'autre conjoint. Par contre, si les droits alimentaires d'un ex-conjoint uni civilement sont réservés, cette réserve ne peut excéder deux ans. Il est à noter que les droits relatifs aux enfants sont les mêmes dans tous les types d'unions, même dans le cas d'une union de fait.

L'union civile se dissout par le décès, le mariage des personnes unies civilement ou par une déclaration commune présentée devant la Cour supérieure.

Si les époux unis civilement souhaitent se marier postérieurement, l'union civile sera alors dissoute mais cette dissolution n'emportera pas la rupture du lien d'union civile. Ainsi, tous les effets de l'union civile seront maintenus (on fait ici référence aux droits et obligations des époux, ainsi qu'aux régimes matrimoniaux, à la direction de la famille, à l'exercice de l'autorité parentale, à la contribution des époux aux charges, à la résidence familiale, au patrimoine familial et à la prestation compensatoire).

Les époux unis civilement peuvent également dissoudre leur union par jugement si ceux-ci ne peuvent s'entendre ou si les intérêts de leurs enfants communs soient affectés par la rupture. Le tribunal pourra alors prononcer un jugement afin de dissoudre l'union civile (521.17 C.c.Q.). Le juge devra constater qu'il y a atteinte à la volonté des parties de faire vie commune. Les tribunaux favoriseront la conciliation et veilleront aux intérêts et au respect des droits des enfants issus de l'union civile.

Pour qu'une déclaration commune soit présentée au tribunal, les époux unis civilement devront préalablement s'être entendus sur tous les aspects de la dissolution de leur union dans un projet d'accord.

Le projet d'accord visant la dissolution devra faire état d'une date d'établissement du patrimoine familial (521.14 C.c.Q.). Cette date peut être différente de la date de cessation de la vie commune. Elle pourrait être antérieure ou postérieure à la date de fin de la vie commune. Cependant, si la date est postérieure à la fin de la vie commune, en principe, elle ne peut être postérieure à la date du contrat reçu par le notaire.

Dans le cas d'une dissolution judiciaire (c'est-à-dire prononcée par un juge), la date de cessation de la vie commune sera établie en fonction de la date d'assignation prévue dans les procédures ou d'une date antérieure, soit la date à laquelle les parties ont effectivement cessé de faire vie commune.

Lorsque la dissolution de l'union civile devient effective, le régime d'union civile est également dissout.

Il appert donc que l'union civile est presqu'en tout point semblable au mariage avec certaines modifications. Les règles de ce statut ne s'appliquent pas, pour le moment aux conjoints qui ont choisi de vivre en union libre (union de fait).

CHAPITRE 2 - L'union libre : vers une définition

    A. Définition

    Ni les dictionnaires, ni la loi, ni la jurisprudence ne nous donnent une définition générale assez large pour inclure toutes les personnes qui peuvent se considérer comme conjoints de fait. Les personnes désirant vivre en union de fait auraient, par conséquent, intérêt à se renseigner pour se protéger. Le législateur québécois a toutefois fait un pas significatif vers une définition plus large des conjoints de fait par l'adoption à l'Assemblée nationale le 16 juin 1999 de la Loi modifiant diverses dispositions concernant les conjoints de fait. Cette loi modifiait plusieurs lois à caractère social afin de reconnaître comme conjoints de fait non seulement les couples de sexes opposés mais également les couples de même sexe. Elle a ainsi adapté les lois québécoises aux réalités sociales actuelles.2

    Pour sa part, en février 2000, la ministre de la Justice de l'époque au gouvernement fédéral, Anne McLellan, déposait à la Chambre des communes (parlement fédéral) le Projet de loi C-23, soit la Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations. Ce projet de loi modifiait 68 lois fédérales pour étendre des droits et obligations conférés aux conjoints de fait de sexes opposés, aux conjoints de fait de même sexe. De plus, la législation fédérale était alors modifiée afin que les conjoints de fait soient traités de la même façon que les couples mariés ou unis civilement en ce qui a trait à certains droits et obligations.3 Cependant, la définition du mariage ne fût pas modifiée.

    Le C.c.Q., contrairement à d'autres lois québécoises ou fédérales à caractère social, ne confère aucun statut à l'union de fait.

    En général, la vie commune sous un même toit est l'élément principal d'une relation entre conjoints de fait. Mais si deux conjoints ne cohabitent pas pour des raisons de travail, d'absence, d'internement dans un établissement correctionnel, de maladie, etc., ceux-ci ne cessent pas pour autant d'être des conjoints de fait. En effet, si les parties sont reconnues publiquement comme des conjoints, preuve peut en être faite afin d'établir qu'elles sont des conjoints de fait. Au cours des dernières années, certaines personnes vivant comme colocataires se sont vues attribuées le statut de conjoint de faits, alors que dans les faits, celles-ci ne vivaient pas en concubinage, mais étaient réellement des colocataires. Les règles visant les conjoints de fait ont posé d'autres problématiques au cours des dernières années pour les colocataires qui doivent parfois faire une preuve contraire afin de démontrer qu'ils ne sont pas reconnues publiquement comme des conjoints.

    L'union de fait peut se définir comme suit : la vie commune de personnes non mariées mais unies par un lien affectif et économique particulier.

    B. Pouvez-vous obtenir le même statut que les personnes mariées ?

    Quel que soit le nombre d'années pendant lesquelles vous avez cohabité ensemble, vous n'obtiendrez jamais le même statut que les personnes mariées ou unies civilement. La cohabitation ne crée aucune obligation ni aucun avantage semblable à ceux que l'on retrouve dans le C.c.Q. pour les personnes mariées ou unies civilement. Votre union de fait le demeurera jusqu'à sa dissolution, que ce soit par une séparation, par le mariage l'union civile ou par le décès.

    Certaines lois québécoises ou fédérales à caractère social attribuent des droits aux personnes non mariées ou unies civilement après un certain laps de temps de vie commune. Mais cette attribution de droits ne s'applique que pour les fins de ces lois.

    C. Certaines lois à caractère social vous considèrent comme des personnes mariées - ou comme des personnes unies civilement

    Puisque c'est toute la société qui bénéficie de la bonne santé financière de ses membres, le législateur a tout de même décidé que les conjoints de fait ne seraient pas laissés sans protection.

      1. Votre conjoint décède

      En vertu de certaines lois, telles que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur l'assurance-automobile, la Loi visant à favoriser le civisme, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels ou la Loi sur le régime des rentes du Québec, vous avez, si votre conjoint décède, les mêmes droits et indemnités que les personnes mariées ou unies civilement. Pour que la protection s'applique, il faut qu'il y ait eu cohabitation durant trois ans, ou un an seulement si un enfant est né de l'union des parties.

      Vous devrez prouver que vous faisiez vie commune au moment du décès de votre conjoint, que vous résidiez ensemble depuis les périodes prescrites et que vous étiez publiquement connus comme conjoints de fait, afin de bénéficier de la protection offerte par ces lois.

      Votre droit sera même prioritaire à celui d'un ex-conjoint séparé de fait ou de droit (avec un jugement en séparation de corps), sauf exceptions.

      2. Le revenu de votre conjoint est considéré pour déterminer votre admissibilité à certaines prestations

      Si vous faites une demande d'aide sociale (Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale) ou d'aide juridique (Loi sur l'aide juridique et sur la prestation de certains autres services juridiques), le revenu de votre conjoint sera considéré. On examinera donc vos deux revenus pour déterminer votre admissibilité au bénéfice de ces lois. Dans certains cas, des colocataires se sont vu attribuer le statut de conjoints de fait et ont reçu des avis visant le remboursement de prestations d'aide sociale prétendument perçues sans droit. Dans un tel cas, ces personnes doivent prouver qu'elles ne sont que colocataires, qu'elles ne se présentent pas en public comme des conjoints de fait et elles doivent contrer tous les autres critères associés au statut de conjoints de fait.

      Si vous faites une demande de prêts et bourse pour étudiants (Loi sur l'aide financière aux études), le revenu de votre conjoint ne sera pris en considération que si vous avez un enfant à votre charge, qu'il soit issu ou non de votre union. Sinon, vous serez encore tous deux considérés comme des célibataires. La loi considérera donc que vous recevez encore de l'aide de vos parents si vous êtes étudiant au premier cycle universitaire.

      En ce qui concerne le supplément de revenu garanti payable en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse ainsi que les allocations aux anciens combattants en vertu de la Loi sur les allocations aux anciens combattants, ils sont affectés par l'union libre s'il y a cohabitation depuis un an ou, dans le cas où un des conjoints est marié ou uni civilement, depuis trois ans. On ne tient pas compte des enfants du couple.

      3. Les autres lois sociales

      Un couple qui aurait caché pendant des années sa vie maritale ne peut par ailleurs revendiquer la reconnaissance de son union pour en retirer certains bénéfices. Cette interprétation jurisprudentielle est applicable à la Loi sur le régime de retraite des fonctionnaires ainsi qu'aux lois énumérées ci-dessus.

      Pour sa part, la Loi sur l'assurance-emploi octroie aux conjoints de faits le même avantage qu'aux gens mariés ou unis civilement lorsqu'un des deux quitte son emploi pour suivre son conjoint qui déménage en raison de son travail. Il n'y a alors aucune pénalité pour ce motif dans le cadre d'une demande même s'il s'agit alors d'un départ volontaire.

      4. Les documents privés

      Les conventions collectives donnent souvent des effets à l'union de fait, de même que certains régimes de retraite ou certains contrats d'assurance. C'est en général le critère du trois ans de cohabitation ou un an avec enfant qui y est repris.

CHAPITRE 3 - Durant la vie commune

    A. Vos enfants

      1. Vos enfants ont-ils les mêmes droits que si vous étiez mariés ou unis civilement ?

      Les enfants ont en général tous les mêmes droits, peu importe la situation de leurs parents (art. 522 C.c.Q.). Si vous avez choisi de ne pas être soumis à certaines lois, vos enfants ne sont pas affectés par ce choix et ont les mêmes droits que ceux nés de parents mariés ou unis civilement.

      2. Quels noms pouvez-vous donner à vos enfants ?

      Tout comme les personnes mariés, vous pouvez donner à votre enfant votre nom ou celui de votre conjoint, ou encore une combinaison de ceux-ci (art. 51 C.c.Q.). La loi limite toutefois à deux le nombre de noms que l'on peut donner à un enfant. Les parents portant chacun une combinaison ont donc plusieurs choix de combinaisons possibles.

    B. Vos biens

    Pendant la vie commune, votre situation à l'égard de vos biens et de ceux de votre conjoint est comparable à celle que vivent deux célibataires habitant sous le même toit. Chacun est propriétaire des biens qu'il a achetés. Il y a lieu de préciser entre conjoints la propriété des biens acquis avant et pendant la cohabitation et le partage de ceux-ci en cas de rupture dans le cadre d'un contrat de vie commune.

    C. Qui paye les dépenses ?

    Contrairement aux époux qui ont l'obligation de contribuer aux charges du mariage ou de l'union civile en proportion de leurs facultés respectives (art. 396 et 521.6 al. 4 C.c.Q.), aucune obligation semblable n'existe pour les conjoints de fait. Ce sera aux conjoints de fait de convenir de leurs propres règles, par le biais d'un contrat de vie commune. Cependant, si un bien immobilier est acquis par les deux conjoints et que l’acte d’acquisition ne précise pas le pourcentage de détention de chacun des conjoints dans le bien, celui-ci sera présumé appartenir aux deux conjoints en parts égales. Le conjoint qui aurait fait une contribution additionnelle (dans la mesure où l’acte d’acquisition ne comporte pas de clause d’indivision à l’effet contraire), devra demander une compensation de l’autre conjoint, le cas échéant.

    D. Vos déclarations de revenus

    Quant aux questions fiscales, les conjoints de fait qui cohabitent depuis plus d'un an ou ceux qui ont un enfant ensemble sont assimilés aux gens mariés ou unis civilement. Il n'y a plus de distinction depuis le 1er janvier 1993. Vous pouvez donc, sur le plan fiscal, considérer votre conjoint de fait comme personne à charge et bénéficier de l'exemption d'impôt correspondante.

    Au Québec, l'un ou l'autre conjoint peut avoir droit à un crédit d'impôt remboursable relatif aux frais de garde (Loi sur les impôts). On tient compte de l’âge de l’enfant (moins de 16 ans), des revenus de celui-ci qui ne doivent pas excéder 7 530$ l’an, du revenu familial pour l'établissement du crédit d'impôt remboursable qui peut être versé par anticipation, sous réserve de certaines restrictions prévues à la loi. Règle générale, ce crédit d'impôt remboursable est accordé au parent dont le revenu gagné au cours de l'année est le moins élevé. Ce montant peut être réparti entre les conjoints, ce qui signifie que si les parents exercent une garde partagée, chacun des parents peut déduire les frais de garde qu'il a engagé. Au fédéral, le conjoint au revenu le moins élevé a droit à cette déduction (Loi de l'impôt sur le revenu, art. 63 (2) et 63 (2.1)).

CHAPITRE 4 - Que se passe-t-il en cas de rupture ?

    A. Vos enfants

    Lorsque vous cessez de faire vie commune, les décisions à prendre à propos des enfants concernent habituellement la garde, les droits d'accès et la pension alimentaire qui sera versée pour leur entretien. Que vous soyez conjoints de fait, conjoints mariés ou conjoints unis civilement, les mêmes questions se posent et les droits de vos enfants demeurent les mêmes.

    Le principe fondamental à retenir est le suivant :

    "Les décisions concernant l'enfant doivent être prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits." (art. 33 C.c.Q.)

    Pour en savoir plus au sujet de la garde des enfants, des droits d'accès et de la pension alimentaire, veuillez consulter l'article "L'union de fait et les enfants: qu'arrive-t-il en cas de rupture ?" disponible sur ce site.

    B. Vos biens

      1. Vous êtes considérés comme des célibataires

      La situation des conjoints de fait quant à leurs biens ou à toute autre question de nature financière est exactement la même que celle de deux personnes célibataires. En d'autres mots, l'union de fait ne confère aucun droit et ne donne aucun avantage financier, si inéquitable que soit la répartition des biens au moment de la séparation. Chacun est propriétaire des biens qui sont à son nom. L'autre conjoint n'a aucun droit sur ces biens, même s'ils ont servi à l'usage commun du ménage, s'il les a payés totalement ou partiellement ou s'il obtient la garde des enfants. À part certains recours ayant trait à des situations précises, et qui ne peuvent être exercés que selon certaines conditions très strictes, les conjoints de fait qui n'ont pas conclu une convention ou qui n'ont pas conservé les preuves d'achat des biens, risquent de se retrouver dans une position difficile.

      Par conséquent, les conjoints de fait auraient avantage de signer une convention afin de protéger les biens qu'ils avaient en leur possession avant la cohabitation et pour prévoir ce qu'il adviendra des biens acquis durant la vie commune en cas de rupture. Comme les gens mariés ou unis civilement peuvent préparer un contrat de mariage ou un contrat d'union civile, les conjoints de fait peuvent rédiger un contrat civil ordinaire qui s'intitulera "Contrat de concubinage" ou "Contrat de vie commune" et qui compensera pour les inconvénients d'une telle situation.


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      2. Il est possible que vous ayez tout de même des recours

        a) Vous avez prêté de l'argent à votre ex-conjoint

        Si tel est le cas, vous êtes exactement dans la même situation que n'importe quel autre créancier et vous pouvez réclamer le remboursement de ce prêt. Toutefois, les prêts consentis au cours d'une union de fait sont souvent verbaux et ni le paiement des intérêts ni les modalités de remboursement ne sont précisés. Bref, il y a un problème de preuve. Si votre conjoint vous a signé une reconnaissance de dettes, il vous sera évidemment plus facile d'en faire la preuve.

        Vous avez trois ans pour intenter une action à compter du moment où la dette est venue à échéance (art. 2925 C.c.Q.).

        b) Votre ex-conjoint refuse de vous remettre un bien qui vous appartient

        Dans le cas de biens meubles dont vous êtes propriétaire mais qui sont en possession de votre ex-conjoint (ex.: appareils ménagers, meubles de résidence, etc.), vous pouvez intenter une action en revendication afin de les récupérer. Il vous faudra prouver que vous êtes le propriétaire exclusif des biens revendiqués (par la présentation de factures, par exemple).

        Ce recours est peu utilisé en pratique parce qu'il n'est pas facile de gagner ou de se défendre à l'encontre d'une action en revendication, surtout si la vie commune a duré longtemps et qu'il y a confusion des biens. Il est donc plus facile de s'entendre hors cour sur la propriété des biens.

        Vous avez trois ans pour intenter l'action en revendication contre votre ex-conjoint, à compter du jour où il a eu le bien en sa possession sans votre consentement (art. 2925 C.c.Q.).

        Dans le cas de biens immeubles (ex.: une maison), vous devez intenter alors une action possessoire. Le délai pour poursuivre est d'un an (art. 2923 C.c.Q.).

        Tel que mentionné ci-dessus, le Code de procédure civile permet désormais d’inclure dans une demande de garde et pension alimentaire au bénéfice des enfants issus de l’union de fait des parties, des demandes pour le partage des biens détenus par les conjoints de fait en copropriété et ce, aux fins d’éviter la multiplication des recours et de respecter les principes de proportionnalité des recours

        c) Vous étiez associé avec votre ex-conjoint dans une aventure économique

        Dans ce cas, le recours dont vous disposez s'appelle action pro socio ("en reconnaissance de société"). Il s'agit d'une procédure introduite par une demande introductive d’instance.

        Dans le cadre de l'union de fait, l'action pro socio vise deux buts :

        • reconnaître qu'une société a été créée entre les conjoints de fait ; et
        • dissoudre cette société

        Selon le C.c.Q., une société est une entreprise créée pour le bénéfice commun des associés dans un esprit de collaboration, lesquels doivent y contribuer en apportant biens, connaissances ou activités et doivent partager entre eux les pertes et les bénéfices pécuniaires qui en résultent (art. 2186 et seq. C.c.Q.).

        Le but de l'action pro socio en matière d'union de fait est de prouver que, en plus de vivre ensemble, les conjoints se sont associés dans la poursuite d'un but commun. Vous devez démontrer au tribunal que vous n'étiez pas seulement des conjoints, mais également des associés dans une société, laquelle peut même être tacite (i.e., de fait). Si la société était expresse (i.e., votre ex-conjoint et vous avez conclu entre vous un contrat de société), l'action pro socio ne servirait qu'à la dissoudre et non à la reconnaître. Dans le cas des conjoints de fait, il n'y a généralement pas eu de contrat de société. L'existence de la société doit alors être prouvée.

        Les conditions pour reconnaître une société tacite entre ex-conjoints sont les suivantes :

        • vous aviez tous deux l'intention de former une société ;
        • vous avez tous deux fourni un apport à l'entreprise ; et
        • vous partagiez tant les pertes que les bénéfices


        Preuve de la société tacite et partage

        Si, finalement, vous réussissez à prouver l'existence d'une société tacite, tous les biens et toute la valeur de la société seront partagés entre vous selon le calcul prévu dans le C.c.Q. (art. 2265 et 2266 C.c.Q.). Vous serez tous deux remboursés de votre apport initial, après quoi le surplus, considéré comme un profit, sera séparé également entre chacun, à moins qu'une preuve contraire ne vienne démontrer qu'un partage différent devrait être fait (art. 2202 C.c.Q.).

        Attention! Vous n'obtiendrez que le partage des biens faisant partie de la société. Par exemple, si vous parvenez à prouver l'existence d'une société agricole et que la résidence familiale est établie sur un autre terrain, seule la propriété agricole sera incluse dans le partage.

        L'action pro socio n'est applicable qu'à un nombre restreint de cas. Même alors, les problèmes de preuve sont nombreux, sans compter les délais et les investissements nécessaires pour amener la cour à reconnaître vos droits.

        Vous avez trois ans à compter de la rupture pour intenter une action pro socio (art. 2925 C.c.Q.).

        d) Votre conjoint s'est enrichi à vos dépens

        Si votre conjoint s'est enrichi à vos dépens durant la vie commune, vous disposez de l'action en enrichissement injustifié (ou action de in rem verso).

        L'action en enrichissement injustifié vise à rembourser le conjoint qui s'est appauvri au profit de l'autre. Il n'est pas question ici de partager quoi que ce soit, mais bien de récupérer la valeur de ce qu'un conjoint a investi (en temps, argent, biens, etc.) au profit de l'autre.

        Pour que l'action soit accueillie, certaines conditions doivent être respectées :

        • Votre conjoint s'est enrichi ;
        • Vous vous êtes appauvri ;
        • L'enrichissement de votre conjoint dépend de votre appauvrissement ;
        • Une telle situation n'est pas justifiée ;
        • Vous ne pouvez faire valoir aucun autre recours.

        Étant donné les conditions nécessaires afin d'intenter ce recours, de nombreux problèmes de preuve peuvent surgir. L'action en enrichissement injustifié ne sera accueillie par le tribunal que s'il n'existe aucun autre remède et que si le dossier est constitué de telle sorte que la balance de probabilités penche en faveur du demandeur

        Une décision rendue le 19 août 2011 a permis à une ex-conjointe de fait d'obtenir un dédommagement de l'ordre de 100 000 $. Celle-ci a prouvé qu'elle avait fait un apport considérable durant les 17 années de vie commune, que son ex-conjoint avait amassé des actifs d'une valeur de 325 000 $ alors que ses actifs ne totalisaient qu'environ 5 700 $, seul montant qu'elle avait pu investir dans un REER pendant les 17 années de cohabitation. Dans cette affaire, les tribunaux ont tenu compte non seulement de l'apport financier de l'ex-conjointe aux dépenses courantes lors de la vie commune et de son apport en temps pour la construction et l'entretien de la résidence où les parties habitaient, mais également du temps qu'elle avait consacré à la " gestion de la famille, de même qu'à l'éducation des … enfants ". Le père n'avait payé, durant cette période, que les frais d'hypothèque et avait investi dans des biens durables (REER, etc.).

        Le délai pour intenter une action en enrichissement injustifié est de trois ans à compter de la rupture (art. 2925 C.c.Q.). Ce délai est de rigueur.

        e) Vous êtes copropriétaire avec votre ex-conjoint

        Si vous avez des enfants issus de votre union de fait et êtes copropriétaire d'un ou plusieurs biens avec votre conjoint, vous disposez de l'action en partage. Elle ne peut toutefois vous conférer un droit de propriété sur un bien appartenant exclusivement à votre conjoint, auquel cas vous devriez plutôt chercher une solution du côté de l'action pro socio ou de l'action en enrichissement injustifié (voir sections c et d respectivement).

        L'action en partage vise à partager les biens qui vous appartiennent conjointement. L'action en partage ne s'applique qu'à la copropriété indivise (bien au nom de deux ou plusieurs personnes sans pouvoir distinguer qui est propriétaire de quelle partie) et non à la copropriété divise (bien en copropriété dont chacun est propriétaire exclusif d'une partie déterminée et identifiable du bien, par exemple un condominium). Il s'agit de vendre le bien détenu en copropriété indivise et de partager le produit de la vente. La preuve de copropriété, si elle est contestée, peut se faire par tous moyens, notamment par la production de factures d'achat ou d'autres écrits ou, à défaut, par témoins. Dans le cas des immeubles, le recours à l'index des immeubles du registre foncier (autrefois appelé "Bureau d'enregistrement") est généralement suffisant.

        Le C.c.Q. prescrit que nul n'est tenu de demeurer dans l'indivision (art. 1030 C.c.Q.). Un ou l'autre des deux copropriétaires peut demander le partage du bien acquis en copropriété. Il y a alors action en partage, qui donne lieu à un partage en nature, si possible, ou à une vente des biens à partager, suivie de la distribution du produit de la vente.

        f) Votre conjoint est le seul signataire du bail

        Si votre conjoint est le seul signataire du bail du logement que vous occupez, il existe une disposition dans le C.c.Q. qui s'applique aux conjoints de fait (art. 1938 C.c.Q.). Elle édicte que vous pouvez reprendre le bail à votre compte si votre conjoint quitte le logement. Vous devez toutefois en aviser le locateur dans les deux mois qui suivent la fin de la cohabitation. Vous aurez alors les mêmes droits et obligations que votre ex-conjoint. Une seule condition est requise: vous devez avoir cohabité avec votre ex-conjoint depuis au moins six mois au moment de son départ pour avoir droit au maintien dans les lieux.

      3. Avez-vous un contrat de vie commune?

      Il est imprudent du point de vue financier de faire vie commune sans en prévoir la fin éventuelle.

      Le fait d'établir des contrats sur différents points touchant la vie commune peut être une solution, par exemple si votre conjoint vous consent un prêt, un don, etc.

      La copropriété est également un élément de solution mais elle présente des risques considérables (voir la section "Vous êtes copropriétaire avec votre ex-conjoint"). En plus du partage inégal, qui peut néanmoins être contré par une mention expresse dans le contrat d'achat, la preuve de la copropriété peut être difficile à établir sur la plupart des biens meubles, d'autant plus que l'on ne conserve pas toujours les factures d'achat de ces biens.

      La conclusion d'une entente expresse d'association peut être utile, voire nécessaire. Si vous décidez de doubler votre aventure de vie commune d'une aventure économique, un contrat de société en bonne et due forme sera certes nécessaire.

      Mais tous ces moyens ne sont qu'imparfaits et surtout ils ne concernent qu'une partie de la vie économique du couple.

      Dans ce contrat de vie commune on peut prévoir la majorité des points pouvant faire l'objet de mésentente à l'occasion d'une rupture, y compris de prévoir une pension alimentaire au bénéfice de l'ex-conjoint-e en cas de rupture. Vous pouvez y prévoir à peu près n'importe quelles dispositions dans la mesure où ça ne contrevienne pas à l'ordre public.

      Les donations entre conjoints de fait ont été longtemps interdites par le Code civil (art. 768 du Code civil du Bas-Canada, maintenant abrogé) mais elles sont désormais permises. Veuillez toutefois noter que seules les donations entre vifs (art. 1806 et suivants C.c.Q.) sont possibles par contrat de vie commune, les donations à cause de mort devant être obligatoirement prévues par testament ou par contrat de mariage (art. 1819 C.c.Q.). Si vous choisissez de faire la donation d'un immeuble, celle-ci devra être faite par acte notarié en minute, sous peine de nullité absolue et elle devra être publiée (art. 1824 al. 1 C.c.Q.). Dans le cas d'un bien meuble, vous n'avez pas besoin de passer par un acte notarié s'il y a délivrance et possession immédiate du bien en question (art. 1824 al. 2 C.c.Q.).

      À titre d'exemple, le contrat de vie commune pourra comprendre des dispositions concernant un ou plusieurs des éléments ci-après énumérés.

        a) Vous pouvez dresser la liste de vos biens

        Cette liste doit établir clairement les biens qui vous appartiennent à l'un et à l'autre et peut même en préciser la valeur. Elle facilite le recours du conjoint propriétaire dans le cas où l'autre conjoint vendait ses biens ou s'en départait. Elle est également fort utile en cas de rupture puisque la cour ne peut modifier l'entente intervenue entre les parties.

        Tous vos biens peuvent être considérés, soit de façon individuelle, soit en désignant une universalité de biens (ex.: le terme "vaisselle" pour désigner une série d'objets tels que plats, coupes, etc.). L'important, c'est que l'ensemble des biens soit couvert par la description. Il serait judicieux de conserver les factures, du moins pour les plus gros achats.

        En ce qui a trait aux biens futurs, un contrat devrait prévoir un mécanisme de propriété. Il est important de se rappeler que la donation entre vifs peut être faite par contrat de vie commune. Afin de ne pas léser un des conjoints advenant la rupture, il est important d'inscrire, pour tout bien substantiel (meubles, appareils, automobile, immeuble) comportant une facture ou un contrat d'achat, les noms des deux conjoints dans la facture et/ou le contrat en question. Une telle inscription démontrera que les deux conjoints sont copropriétaires du bien. On peut également déterminer la proportion de propriété de chaque conjoint sur ce bien, si celle-ci n'est pas égale (50%-50%).

        b) Vous pouvez déterminer les responsabilités de chacun

        Un peu comme le C.c.Q. qui prévoit que les époux mariés ou unis civilement sont responsables des charges du ménage en fonction de leurs facultés respectives (art. 396 et 521.6 C.c.Q.), vous pouvez instaurer un régime de ce genre dans votre contrat de vie commune. Le partage ou la responsabilité à l'égard des dettes, s'il y en a, peut également être établi de cette façon, que ce soit en quote-part ou en entière responsabilité de chacun. Chaque cas est différent et votre situation doit vous guider dans l'établissement de ces considérations.

        De la même manière, il peut être prudent de prévoir une forme de compensation si par commodité vous choisissez d'affecter le salaire de l'un aux dettes alors que le salaire de l'autre comblera les besoins du ménage. Il est également prudent de prendre des dispositions au cas où l'un des conjoints de fait désire s'absenter du marché du travail temporairement ou de façon permanente pour s'occuper des enfants. Encore une fois, le but recherché est l'équité entre vous pendant la vie commune ainsi que dans l'éventualité d'une rupture.

        Sachez cependant qu'il n'est pas possible de prévoir dans un contrat de vie commune qui aura la garde des enfants en cas de rupture, pas plus que le montant de la pension alimentaire pour ceux-ci qui doit être fixé en fonction de barèmes établis. Ces décisions doivent être prises par le juge dans l'intérêt des enfants ou dans le cadre d'une demande introductive d’instance en garde et pension faisant l'objet subséquemment d'un consentement signé par les parties et entériné par le tribunal. La loi considère ces points comme étant d'ordre public.

        c) Une procuration peut être fort utile

        Une procuration est un document en vertu duquel, par exemple, vous autorisez votre conjoint à agir à votre place en votre absence. Comme la situation des conjoints de fait n'est pas reconnue par le C.c.Q., il peut être souhaitable de prévoir une procuration pour vous représenter l'un et l'autre dans certaines circonstances, sans qu'il ne soit nécessaire d'être tous les deux présents. Ce genre de mandat est spécial ou général (art. 2135 C.c.Q.). Le mandat spécial n'est donné que pour une affaire particulière alors que le mandat général est bon pour toutes les affaires du mandant. C'est celui-ci qu'il faudrait prévoir entre conjoints. Le mandat s'avère fort utile en cas de maladie, d'absence ou dans d'autres circonstances particulières. Vous pouvez décider de l'inclure dans votre contrat de vie commune.

        Par ailleurs, vous pouvez décider de rédiger un mandat en prévision de votre inaptitude, par lequel vous confiez à votre conjoint le pouvoir de prendre soin de vous-même et de la conduite de vos affaires si vous devenez inapte à le faire. Un tel mandat ne fera toutefois pas partie du contrat de vie commune. Il doit répondre à une forme précise ou être notarié (art. 2166 à 2174 C.c.Q.).

        d) Pouvez-vous prévoir une pension alimentaire entre conjoints ?

        Il n'existe pas de recours alimentaire entre conjoints de fait. Il serait alors prudent de prévoir un recours alimentaire pour l'ex-conjoint-e en cas de rupture. Il s'agirait alors d’une obligation résultant d'un contrat civil. Il serait possible d’établir les conditions auxquelles cette pension serait payable, le montant, la durée, etc. Il serait même possible de décider qu'une telle pension sera établie selon vos besoins et facultés, comme c'est le cas entre époux mariés ou unis civilement. Cela serait tout à fait acceptable dans la mesure où chaque personne est libre de se créer des obligations.

        e) Pouvez-vous y inclure d'autres clauses ?

        Rien n’empêche de rédiger des clauses reflétant une situation particulière, à condition qu'elles ne contreviennent pas à l'ordre public.

        Attention! Vous devriez de temps à autre revoir votre contrat de vie commune afin de vous assurer qu'il soit toujours adéquat, compte tenu des changements pouvant survenir dans votre vie de couple.

      4. Vous pouvez aussi conclure un contrat de rupture

      Au moment de la rupture, il est possible, en plus du contrat de vie commune, de mettre par écrit dans une entente les termes de votre séparation. Vous pouvez également, dans la mesure où c'est équitable, modifier votre contrat de vie commune par un contrat de rupture. Par ailleurs, même si vous n'avez pas de contrat de vie commune, vous pouvez rédiger un contrat de rupture, si votre conjoint et vous êtes d'accord sur les effets de votre rupture. La jurisprudence a d'ailleurs reconnu la validité et la force exécutoire d'une convention de rupture entre conjoints de fait.

      Vous devez mettre les termes de cette entente par écrit ou, mieux encore, faire rédiger une entente par un avocat, qui pourra vous aider à négocier ce qui n'est pas encore réglé et à comprendre les conséquences de vos décisions. Si vous avez des enfants, il est également prudent que l'un ou l'autre des ex-conjoints présente une demande introductive d’instance pour garde d'enfants, pension alimentaire et droits d'accès. Une entente peut être rédigée sur la base de cette demande introductive d’instance, laquelle sera entérinée par le juge s'il la trouve convenable. Quant aux considérations relatives aux biens, l'entente de rupture devient un contrat ordinaire et peut être exécutée selon les mêmes méthodes, c'est-à-dire saisie de salaire ou de biens. Il est important de noter qu’une entente à l’amiable doit être entérinée par le tribunal afin de lui conférer toute sa force exécutoire.

    C. Vos déclarations de revenus après la rupture

    Pendant et après la vie commune, les conjoints de fait et les gens mariés ou unis civilement sont traités exactement de la même façon par le fisc. Aux fins fiscales, la définition du mot "conjoint" vise, outre les gens mariés ou les personnes unies civilement :

    • la personne qui vit avec un contribuable en union conjugale depuis au moins douze mois ; ou
    • la personne qui vit avec un contribuable en union conjugale et a eu un enfant avec lui (art. 252 (4) a) de la Loi de l'impôt sur le revenu au fédéral et art. 2.2.1 de la Loi sur les impôts au Québec).

    Pour de l'information sur la défiscalisation de la pension alimentaire pour les enfants, vous pouvez consulter l'article "La pension alimentaire" disponible sur ce site.

    Attention ! Si votre ex-conjoint vous verse une pension alimentaire pour vous-même en vertu d'un contrat de vie commune ou d'un contrat de rupture, celle-ci est, depuis le 17 juillet 2003, déductible pour lui et imposable pour vous.

    D’ailleurs, il serait prudent d’inclure dans les conventions que les parties s’engagent à s’échanger leurs déclarations de revenus afin de pouvoir soit réclamer une pension alimentaire impayée par le débiteur alimentaire, ou de permettre d’ajuster la pension alimentaire au bénéfice des enfants si des changements importants dans les revenus des partis.

CHAPITRE 5 - Et si votre conjoint décède ?

Comme l'union de fait n'est pas une institution reconnue par le C.c.Q., vous n'avez aucun droit dans la succession de votre conjoint s'il décède sans avoir fait de testament en votre faveur, peu importe la durée de votre cohabitation.

Voyons en détail ce qui peut se produire selon que votre conjoint a ou non laissé un testament.

    A. Votre conjoint avait préparé un testament

    À moins que vous ne connaissiez l'endroit où votre conjoint a laissé son testament, la première chose à faire s'il décède est de vérifier s'il en a fait un. Vous pouvez demander à un avocat ou à un notaire d'effectuer cette vérification puisqu'ils ont tous deux accès aux registres des testaments du Barreau du Québec et de la Chambre des notaires. Si votre conjoint a laissé un testament, mais qu'il n'a pas eu la prudence de le faire enregistrer auprès d'un de ces organismes, il vous faudra fouiller dans ses affaires, dans son coffret de sûreté ou ailleurs

    Si votre conjoint a fait un testament, le liquidateur de la succession (autrefois appelé l'exécuteur testamentaire) devra suivre les indications contenues dans le testament, quelles qu'elles soient.

    Votre conjoint peut vous désigner comme héritier(ère) dans son testament et vous pouvez faire de même dans le vôtre. Il est important de rédiger ou de faire rédiger un testament pour que vos volontés soient respectées intégralement. Il est également important de tenir à jour ce testament ou de le rédiger dans une forme qui sera satisfaisante dans toutes les situations à venirr.

    Attention! Vous ne pouvez faire de testament dans un contrat de vie commune ou dans tout autre document signé par vous et votre conjoint. Le testament est un acte unilatéral et doit être signé par une seule personne pour être valide.

    B. Votre conjoint décède sans testament

    Si votre conjoint a négligé de rédiger un testament, les dispositions du C.c.Q. s'appliquent intégralement (art. 613 C.c.Q.). Cela signifie que vous n'avez aucun recours contre sa succession. Les seuls qui ont un droit sur la succession d'une personne décédée sont ses ascendants, ses descendants, certains autres membres de sa famille élargie ainsi que son époux ou épouse, s'il y a lieu. Si votre conjoint était séparé de corps sans être divorcé et est demeuré avec vous suite à sa séparation, c'est son ex-époux ou ex-épouse qui héritera. Si votre conjoint n'a jamais été marié, c'est sa famille qui aura un droit sur sa succession. Voici sommairement quels sont les héritiers légaux de votre conjoint s'il décède sans avoir fait de testament (art. 653 C.c.Q.).

      1. Votre conjoint avait des enfants

      Si votre conjoint était séparé de fait ou de corps sans être divorcé, le tiers de sa succession ira à son époux ou épouse et les deux tiers à ses enfants (tant les enfants du mariage que ceux que vous avez eus ensemble, en parts égales).

      Si votre conjoint n'était pas marié, ne l'ayant pas été ou parce que son mariage ou son union civile antérieure a été dissous (par divorce, annulation ou décès) et qu'il y a des enfants, ceux-ci ainsi que les petits-enfants et autres descendants hériteront en parts égales, peu importe que les enfants soient les vôtres ou non.

      Encore une fois, vous n'avez aucun droit dans sa succession.

      2. Votre conjoint n'avait pas d'enfants

      Si votre conjoint était marié ou uni civilement, sa succession sera séparée entre celui des époux qui survit et ses père et mère. L'époux ou l'épouse héritera des deux tiers; les parents de votre conjoint, de l'autre tiers.

      En l'absence de père et mère, sa succession est dévolue à son époux ou épouse pour deux tiers et aux frères et sœurs, neveux ou nièces, pour l'autre tiers.

      Si votre conjoint n'était pas marié ou uni civilement et qu'il n'avait pas d'enfant, ce sont ses père, mère, frères, sœurs, neveux et nièces qui hériteront. La moitié ira aux parents et l'autre au reste de la famille.

      Le C.c.Q. prévoit aussi d'autres cas et donne une série d'exemples de situations possibles, ainsi que les pourcentages de succession de chacun des parents, dans tous les cas jusqu'au douzième degré.

      Le message à retenir est le suivant: si votre conjoint n'a pas fait de testament, sa succession sera partagée entre diverses personnes ou déférée à l'État (si la personne défunte n'a aucune succession), mais vous n'aurez rien.

      C. Est-ce que votre conjoint avait pris une assurance-vie ?

      Rien n'interdit à une personne de désigner son conjoint de fait comme bénéficiaire d'une police d'assurance-vie. C'est alors ce dernier qui en touchera le produit.

      Si votre conjoint ne désigne pas de bénéficiaire dans la police, le testament ou, s'il n'en a pas fait, le C.c.Q. détermine la ou les personnes qui doivent en hériter. Il est possible d'attribuer par testament le produit d'une police d'assurance à un légataire autre que celui dont le nom est inscrit sur la police, sauf s'il est irrévocable. Le testament prime s'il est postérieur à la désignation du bénéficiaire sur la police d'assurance, à la condition qu'il mentionne la police en cause.

      Il faut vérifier soigneusement le nom de la personne inscrite comme bénéficiaire sur l'assurance-vie et apporter des corrections au besoin.

Conclusion

L'union libre peut être une façon de créer des rapports égalitaires et libres de toute contrainte. Mais il y a des pièges sérieux dans ce mode de vie et il faut absolument les connaître pour bien s'en protéger. Il est donc important d'être conscient des conséquences de son choix au moment où on le fait.

C'est lorsque le couple va bien qu'il doit prévoir ce qui arrivera en cas de rupture et non lorsque celle-ci survient. Il est préférable d'avoir rédigé un contrat de vie commune, même s'il ne doit jamais servir, que de ne pas en rédiger du tout. Il ne faut pas que la précarité même de l'état de conjoint de fait ne devienne un cauchemar en cas de rupture.

Lorsque les conjoints sont bien renseignés et ont pris le soin de rédiger un contrat de vie commune, la vie en union libre devient alors un véritable choix fait sans contrainte.


Notes :

1. Droit de la famille — 102866, 3 novembre 2010, JJ Beauregard, Dutil, Giroux (C.A.).

2. Au Québec, les lois qui accordent les mêmes droits aux conjoints de fait et aux conjoint mariés ou unis civilement sont les suivantes : la Loi sur les accidents du travail, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur l’aide financière aux études, la Loi sur l’aide juridique, la Loi sur l’assurance automobile, la Loi sur les assurances, la Loi sur les Caisses d’épargne et de crédit, la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d’épargne, la Loi sur les élections scolaires, la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières, la Loi sur les coopératives, la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec, la Loi sur les normes du travail, la Loi sur les tribunaux judiciaires, la Loi sur le régime de rentes du Québec, la Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, la Loi sur le régime de retraite des fonctionnaires, la Loi sur les régimes complémentaires de retraite, la Loi sur les conditions de travail et le régime de retraite des membres de l’Assemblée nationale, la Loi sur le régime de retraite de certains enseignants, la Loi sur le régime de retraite des agents de la paix en services correctionnels, la Loi sur le régime de retraite des élus municipaux, la Loi sur le régime de retraite des enseignants, la Loi sur l’aide et l’indemnisation des victimes d’actes criminels, et la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l’emploi et la solidarité sociale.

3. Les lois canadiennes donnant les mêmes droits aux conjoints de fait qu’aux conjoints mariés ou unis civilement sont : les Régimes de pension du Canada, la Loi sur la citoyenneté, la Loi sur l’assurance-emploi, la Loi de l’impôt sur le revenu, la Loi sur la sécurité de la vieillesse, la Loi sur le partage des pensions de retraite, la Loi sur les sociétés de caisses de retraite, la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, la Loi sur la pension dans la fonction publique, la Loi sur les régimes de retraite particuliers, la Loi sur les prestations de retraite supplémentaires et la Loi sur les allocations aux anciens combattants.


À jour au 29 février 2024

Texte original :

Denis Lapierre, avocat, Geraghty, Lapierre et associés, St-Jérôme avec la collaboration de Me Marie-Andrée Miquelon.

Tiré de Concubinage : votre couple et la loi, Montréal, Wilson & Lafleur, 1995


Avis. L'information présentée ici est de nature générale et est mise à votre disposition sans garantie aucune notamment au niveau de son exactitude ou de sa caducité. Cette information ne doit pas être interprétée comme constituant des conseils juridiques. Si vous avez besoin de conseils juridiques particuliers, vous devriez consulter un avocat.