Le présent texte constitue un ouvrage de référence faisant partie intégrante de la "Banque de textes juridiques historiques" du Réseau juridique du Québec.
L'information disponible est à jour à la date de sa rédaction seulement et ne représente pas les changements législatifs et jurisprudentiels en vigueur depuis sa rédaction.
Premier de la série "Commerce électronique, les taxes et l'impôt" de SBDT publié sur le Réseau
Par l'Équipe E-Business de Samson Bélair/Deloitte & Touche
Contenu
2. Stratégies fiscales pour les "point.com"
4. Questions des taxes à la consommation
5. Budget du Québec 2000-2001: les PME québécoises sont gagnantes!
Effets d’Internet sur l’économie mondiale
Nous vivons actuellement une transformation fondamentale dans la façon dont les entreprises transigent entre elles et avec les consommateurs à l’échelle de la planète entière. Les développements technologiques toujours croissants font en sorte qu’il soit probable que nous transigerons tous par Internet dans le futur. Le langage des affaires se redéfini. Puisque les frontières sont inexistantes sur "l’inforoute", les échanges commerciaux et les réseaux de distribution traditionnels se remanient globalement. De nouveaux intermédiaires en ligne entrent en jeu tels que les "moteurs de recherche", "portails", les "communautés d’affaires" et les "sites de ventes aux enchères".
Les règles fiscales quant à l’imposition des revenus générés sur le World Wide Web (Web) ne se sont pas développées au même rythme que ce dernier. L’incertitude demeure encore à ce jour sur les méthodes d’imposition du commerce électronique tant au niveau de l’impôt sur le revenu qu’au niveau des taxes à la consommation. Bien que ces deux régimes d’imposition soient différents de par leur nature, les questions soulevées relatives au commerce électronique sont similaires. Vous trouverez un exemple pratique et simple au prochain titre.
Illustrons les diverses questions fiscales par un exemple simple. Une entreprise québécoise "vis.com" vend des articles de quincaillerie par Internet. Sa page Web est située sur un serveur loué d’un fournisseur d’accès Internet au Canada. Les consommateurs peuvent accéder à la page Web de "vis.com" partout dans le monde. Ce faisant, ils peuvent commander de l’équipement de quincaillerie et recevoir divers services à valeur ajoutée en ligne, tels que des trucs de bricolage pour les nouveaux rénovateurs, les tendances du marché en matière de décoration et les nouveaux produits en magasin.
Maintenant, supposons que Mr. Jones, résident du Maine (É-U.), accède à la page Web de "vis.com" avec son ordinateur à domicile. Ce dernier loue l’accès à Internet d’un fournisseur du Maine et le serveur utilisé se trouve dans l’état de New-York. Mr. Jones décide de passer une commande via la page Web de "vis.com" et paie avec sa carte de crédit. Les fonds générés par la vente sont directement déposés dans le compte bancaire de "vis.com" aux Bermudes.
Où la transaction a-t-elle lieu aux fins fiscales? Quelle juridiction (province, état et pays) a le droit d’imposer le revenu de la vente? Est-ce qu’il y aura double imposition des revenus de "vis.com"? Le même revenu peut être imposé plusieurs fois si le Canada, les États-Unis, le Maine et l’État de New-York décident d’imposer ce revenu sans reconnaître le droit d’imposition des autres juridictions. Évidemment, il s’agit d’une situation extrême pour l’instant car notre système fiscal actuel allège les contribuables des impositions multiples. Cependant, le système fiscal n’apporte aucune réponse définitive sur ces questions relativement au commerce électronique.
2. Stratégies fiscales pour les "point.com"
Les trois dernières années furent explosives en nouvelles sociétés "point.com". Celles-ci, totalement inconnues avant le début de leurs activités sur Internet, font maintenant la manchette des quotidiens. Aucune recette magique, simplement une stratégie gagnante!
Que vous décidiez de vous lancer directement sur le Web avec une toute nouvelle société "point.com" ou que vous exploitiez déjà une entreprise existante qui choisit d’avoir une présence sur le Web, une stratégie fiscale s’impose. Le succès global de votre entreprise en dépend.
Vous débutez l’exploitation d’une nouvelle entreprise sur le Web
Les possibilités de planification sont multiples: vous pouvez incorporer votre société "point.com" dans un paradis fiscal tel les Bermudes ou les Îles Cayman. Les licences et autres intangibles pourraient y être installés afin que cette société génère un profit réel. Les profits réalisés seront imposés à un taux quasi-nul. Cependant, une attention particulière aux règles canadiennes de résidence doit être apportée. Le Canada impose ses résidents sur leurs revenus mondiaux. Votre société pourrait être considérée résidente canadienne si le contrôle effectif de cette société est situé au Canada. Il est donc opportun de considérer toutes les règles applicables afin de planifier judicieusement vos affaires en ligne. Un bon départ est souvent garant d’une course gagnante!
Vous exploitez une entreprise déjà existante
Vous pouvez utiliser Internet à plusieurs fins: votre site Web peut être uniquement informatif ou transactionnel. Dans le premier cas, aucune transaction en ligne n’est effectuée car votre page Web agit tel un catalogue sans toutefois pouvoir prendre les commandes des clients. Cette option est intéressante si vous désirez utiliser Internet uniquement pour votre service à la clientèle ("questions fréquemment posées" par exemple) ou pour globaliser votre stratégie marketing. Lorsque votre site deviendra transactionnel, il vous permettra d’effectuer des ventes en ligne et d’échanger directement avec vos clients. Un site transactionnel génère des activités qui auront assurément un impact sur votre situation fiscale. Nous vous référons aux sections "Questions d’impôt", "Questions des taxes à la consommation" et "Budget du Québec 2000-2001: les PME québécoises sont gagnantes!" pour une analyse détaillée des divers impacts fiscaux d’un site transactionnel.
Il pourrait être avantageux de créer une entité distincte afin d’isoler vos activités en ligne. Ce faisant, les risques économiques encourus par une nouvelle société "point.com" sont séparés de l’entreprise déjà existante et permet aussi des possibilités de planification fiscale. Cependant, le lieu d’incorporation de cette entreprise doit être choisi judicieusement. Il faut considérer si un paradis fiscal comme lieu de résidence est avantageux, compte tenu de l’application des règles de prix de transfert. De façon générale, les règles de prix de transfert exigent qu’une entreprise transige avec des sociétés avec lesquelles elle a un lien de dépendance au même prix qu’avec un tiers. Ceci restreint le pouvoir qu’ont les sociétés canadiennes d’attribuer trop de profits à leurs sociétés liées qui sont situées dans des paradis fiscaux.
Dans l’hypothèse où votre entreprise "point.com" est incorporée au Canada, il y a lieu de déterminer dans quelle juridiction les ventes en lignes seront attribuées. En l’espèce, il serait avantageux de prévoir que les ventes en ligne soient attribuées à une province à taux d’imposition faible. Le fardeau fiscal de votre entreprise en sera directement diminué et vos revenus augmentés.
La nature du commerce électronique fait en sorte que des entreprises qui transigent à l’étranger n’ont plus l’obligation d’y installer un établissement stable pour s’assurer une réelle pénétration du marché. Ainsi, votre entreprise peut effectuer des économies considérables sans, pour l’instant, être assujettie à des impôts additionnels résultant de ces nouvelles activités internationales.
Je vends des biens non téléchargeables
Certains biens sont, de par leur nature, moins propices au commerce électronique. Nous pouvons aisément concevoir que les journaux, les logiciels ou les services financiers seront automatiquement "vendeurs" sur le Web. Qu’en est-il des biens tels les vêtements, les meubles ou articles de quincaillerie? Puisque le marché canadien dans ces secteurs de l’économie est encore peu exploité, les entreprises d’ici peuvent se créer une place de choix avec un peu de créativité et de persévérance.
Ce type de biens non téléchargeables par voie électronique doivent, afin d’être livrés aux consommateurs, franchir une frontière à la livraison. Votre entreprise canadienne est donc imposée en vertu des règles fiscales actuelles. Il est cependant possible que votre entreprise ait l’obligation de s’enregistrer auprès des autorités fiscales étrangères afin d’effectuer les retenues de taxes adéquatement. Ces obligations pourraient être requises lors des transactions effectuées avec les résidents du pays étranger, par exemple en ce qui concerne les taxes à la consommation. Ainsi, une attention particulière doit être apportée à l’identité du consommateur et aux règles fiscales régissant les transactions où le lieu de livraison se trouve dans de pays de source.
Qualification des revenus provenant de biens non téléchargeables
Le système fiscal actuel impose de façon différente un revenu s’il provient d’une vente de bien physique, d’un service ou d’une licence, d’où l’importance de bien identifier la nature d’une transaction. Il est important qu’un bien transmis par voie électronique à l’étranger conserve sa nature et sa forme légale afin que son traitement fiscal soit uniforme. Un traitement fiscal uniforme évite l’imposition multiple d’un même revenu.
Les biens qui ne sont pas téléchargeables et donc qui ne peuvent être numérisés conservent leur nature à la livraison. Une paire de chaussures de sport disponible sur la page Web d’un détaillant canadien sera livrée physiquement aux consommateurs, sans que la nature de l’article soit modifiée. La question de la qualification des revenus est en cause lorsque les biens peuvent être facilement téléchargés. Cette question est traitée au prochain titre.
Je vends des biens/services facilement téléchargeables
Certains biens sont, de par leur nature, propices au commerce électronique. Dans l’économie numérique actuelle, les entreprises ayant eu le plus de succès sont celles qui offrent les biens/services suivants: services financiers, assurances, logiciels voyages, livres et journaux, musique et vidéos.
La livraison de ces biens/services aux consommateurs par voie électronique (téléchargement) est très avantageuse pour votre entreprise. En premier lieu, vous n’avez plus à transiger par un intermédiaire pour joindre le client. Les coûts engendrés par une présence physique, telle un magasin ou un local dans un centre commercial, sont éliminés. De plus, les frais de livraison aux consommateurs sont diminués puisque les biens/services sont livrés électroniquement.
Prenons l’hypothèse où votre entreprise vend des disques compact livrés électroniquement. L’adresse électronique du consommateur peut être indicative de son lieu de résidence (ex. ".ca" pour Canada). Dans certains cas, le suffixe de l’adresse n’est pas du tout lié au pays de résidence du consommateur. De plus, le paiement peut être autorisé par une banque située dans un paradis fiscal, n’indiquant pas l’identité du propriétaire du compte. Votre entreprise n’aura donc aucun moyen de vérification efficace du lieu de juridiction où est livré le bien/service. Aucune douane n’est franchie et la transaction est effectuée dans l’anonymat le plus complet.
En vertu du système fiscal actuel et l’anonymat résultant du commerce électronique, il sera parfois difficile pour votre entreprise d’assurer une conformité complète aux exigences fiscales existantes dans d’autres juridictions. Tout compte fait, votre entreprise doit faire preuve de diligence raisonnable afin de bien identifier le consommateur et de s’inscrire aux fins des taxes et impôts dans le pays où la transaction a lieu, si besoin.
Les autorités fiscales, incluant le Canada, étudient activement les diverses questions soulevées par le commerce électronique. Des règles fiscales prévisibles et équitables auront pour effet d’encourager le commerce électronique et de rassurer les entreprises quant au traitement fiscal de leurs transactions électroniques.
En attendant, l’absence de nouvelles règles spécifiques au commerce électronique permet aux entreprises de planifier des structures fiscales optimales afin de réduire leur fardeau fiscal.
Qualification des revenus provenant biens/services facilement téléchargeables
Il peut arriver que des biens facilement téléchargeables ne conservent pas leur nature à la livraison. Un disque compact vendu sur le web peut être livré physiquement ou électroniquement au consommateur. Toutefois est ce que ce dernier reçoit le même bien? S’il reçoit le disque compact par courrier, il reçoit un bien physique. Si ce même disque compact est téléchargé sur le disque dur de l’ordinateur personnel du consommateur, aucun bien physique n'est reçu. Le consommateur a-t-il alors acquis un droit d’auteur ou peut-être une licence?
La qualification des revenus est essentielle car l’imposition de ces revenus varie en fonction de la nature du bien/service vendu. Dans le système fiscal actuel, il existe une position de neutralité voulant que les biens vendus et livrés électroniquement soient imposés de la même façon que s’ils avaient été vendus et livrés par moyen traditionnel. Toutefois, aucune règle officielle n’a encore été adoptée à cet effet.
Le Canada et les États-Unis, par exemple, pourraient décider de qualifier différemment la nature du revenu généré par la vente et la livraison électronique d’un disque compact. Ces positions divergeantes provoqueraient une double imposition pour l’entreprise canadienne. Le Canada, ne reconnaissant pas l’impôt payé par l’entreprise canadienne aux États-Unis, n’allégerait pas la double imposition au moyen d’un crédit d’impôt étranger.
4. Questions des taxes à la consommation
TPS et sociétés étrangères qui transigent au Canada
Généralement, la TPS est payable à l’égard de toute transaction (achat, transfert, location, importation) impliquant des services, et des biens meubles corporels ou incorporels fournis, consommés ou importés au Canada.
Le commerce électronique (par exemple, le téléchargement d’un logiciel par le biais de l’Internet) crée un problème de contrôle de la perception des taxes pour les autorités fiscales lors de ventes effectuées par des fournisseurs ne résidant pas au Canada.
En effet, le risque se situe au niveau des ventes de biens et de services livrés par voie électronique aux consommateurs canadiens. Ceux-ci sont mal informés quant à leur obligation de payer la TPS à Revenu Canada lorsque celle-ci n’a pas été perçue par le fournisseur étranger. Les fournisseurs canadiens de ce genre de produits et services peuvent donc être désavantagés face aux fournisseurs étrangers qui ne perçoivent pas la TPS. Il s’ensuit que les autorités fiscales perdent des revenus.
Est-ce que les autorités fiscales canadiennes vont imposer aux entreprises étrangères l’obligation de percevoir les taxes payables par les consommateurs ? Une telle obligation semble difficile à concrétiser et imposerait un fardeau de conformité considérable pour les entreprises faisant affaires au Canada. De plus, les autorités étrangères pourraient répliquer en imposant les mêmes exigences aux entreprises canadiennes transigeant dans leur pays. De toute évidence, un tel fardeau nuirait tant à la compétitivité économique des pays en cause qu’à l’évolution du commerce électronique!
Sociétés canadiennes transigeant à l’étranger
Il existe une problématique particulière dont doivent tenir compte les entreprises canadiennes qui veulent percer les marchés étrangers en matière de documentation de leurs échanges via le commerce électronique.
Une entreprise exportatrice doit s’assurer qu’elle dispose de preuves satisfaisantes afin de détaxer les transactions effectuées au profit de non-résidents. Il peut s’avérer téméraire pour les entreprises canadiennes de détaxer certaines fournitures lorsqu’il est difficile d’établir l’identité et le lieu de résidence réel de leurs clients. Par exemple, dans le cas où un bien est livré par voie électronique à une adresse Internet: comment s’assurer que le lieu de livraison est à l'extérieur du Canada (ou de la province) ? Dans tous les cas, il est judicieux de s'assurer de bien documenter les transactions effectuées pour éviter des surprises désagréables lors de vérifications fiscales à venir.
Pour en connaître davantage sur ce sujet, consultez le second article: Les taxes à la consommation : difficultés d’application au commerce électronique
5. Budget du Québec 2000-2001: les PME québécoises sont gagnantes!
Le dernier discours sur le Budget du Québec en date du 14 mars 2000 a reconnu l’importance des changements amenés par le commerce électronique dans notre société en instaurant des allégements fiscaux ciblés. Un crédit d’impôt remboursable de 40% est maintenant disponible pour les PME québécoises à l’égard des dépenses admissibles engagées au cours des deux prochaines années. Ce crédit vise à favoriser l’intégration de solutions de commerce électronique, plus spécifiquement les dépenses liées au développement d’un site Web transactionnel. Une société est admissible au crédit si son actif, incluant celui des sociétés associées, est inférieur à 12 millions de dollars ou si son revenu brut pour l’année d’imposition précédente, incluant celui des sociétés associées, est inférieur à 25 millions de dollars. Le montant total du crédit d’impôt ne peut toutefois excéder 40 000 dollars.
De nouvelles mesures visant les particuliers auront aussi un impact certain sur l’évolution du commerce électronique au sein de la société québécoise. Un programme est établi afin de favoriser l’accès des familles québécoises à Internet. L’aide gouvernementale correspond à 75% du coût de l’un ou l’autre des forfaits suivants:
Les ménages qui reçoivent une allocation familiale versée par la Régie des rentes du Québec seront admissibles au programme. La subvention maximale, versée sur deux ans, est de 450 dollars par année et l’aide annuelle pour le forfait n’incluant que le branchement à Internet est de 200 dollars. N’oublions pas que plus de familles branchées équivaut à plus d’affaires en ligne! Les québécois et québécoises n’ont plus qu’à attacher leur ceinture pour s’engager sur l’autoroute de l’information afin d’y échanger et d’y gagner!
Les principes de base du fonctionnement de l’Internet furent élaborés par l’armée américaine en période de guerre froide. L’objectif ultime de l’Internet était de créer un moyen sécuritaire de transmettre l’information en cas d’attaque militaire. La principale différence entre Internet et les autres systèmes conventionnels de communication est la trajectoire imprévisible de l’information. Cet élément de sécurité constitue un avantage majeur pour les utilisateurs d’Internet en leur procurant un certain degré d’anonymat lors de leurs transactions électroniques. Puisqu’il y a toujours deux côtés à une médaille, ce même degré d’anonymat est à la source des questionnements fondamentaux quant au système fiscal canadien actuel.
Quoi qu’il en soit, l’absence de position officielle mondiale, tant au niveau de l’imposition des revenus des entreprises qu’au niveau des taxes à la consommation, permet aux entreprises canadiennes de planifier leurs transactions et de revoir leur stratégie d’affaires afin qu’elle soit optimale maintenant et pour l’avenir.
Équipe E-Business de Samson Bélair/Deloitte & Touche
Sylvie Brossard
Étienne Bruson
François Chagnon
Marie-Andrée Charland
Albert De Luca
Natasha Girouard
Michel Lagrange
John Nucciarone
Hélène Simard
À jour au 16 mars 2000
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