Le présent texte constitue un ouvrage de référence faisant partie intégrante de la "Banque de textes juridiques historiques" du Réseau juridique du Québec.
L'information disponible est à jour à la date de sa rédaction seulement et ne représente pas les changements législatifs et jurisprudentiels en vigueur depuis sa rédaction.
Yves Martineau, avocat, STIKEMAN ELLIOTT, Montréal
Contenu
1. Le but de la saisie avant jugement
2. Les différents types de saisie avant jugement
a) La saisie en cas de crainte que le recouvrement d'une créance ne soit mis en péril
3. La procédure
4. Annulation d'une saisie illégale
·Vous désirez intenter une action en justice
mais craignez que votre adversaire se départisse de
tous ses biens pour éviter de vous payer?
· Votre entreprise a fourni des marchandises à
un client qui refuse ou néglige de vous payer?
· Votre offre d'achat sur une maison a été
acceptée mais vous apprenez que le propriétaire
a changé d'avis et s'apprête subrepticement à
vendre la propriété à un tiers?
· Voilà quelques exemples de situations où
vous auriez peut-être à procéder à
une saisie avant jugement. En peu de mots (lourde tâche
pour un avocat!), nous tenterons de vous expliquer :
1. Le but de
la saisie avant jugement; 2. Les différents type de saisie; 3. La procédure à suivre; 4. Le recours en annulation d'une saisie illégale. |
1. LE BUT DE LA SAISIE AVANT JUGEMENT
La saisie avant jugement est une mesure de protection du créancier visant à préserver ses droits durant une instance en justice, en attendant qu'un jugement final dispose des droits des parties au litige.
Il s'agit donc essentiellement d'une mesure conservatoire. Les biens saisis seront placés sous le contrôle d'un gardien judiciaire qui en aura la responsabilité jusqu'à ce qu'un jugement statue sur la validité de la saisie. La saisie avant jugement n'est qu'un accessoire dans le cadre d'une poursuite en justice et elle ne vise en principe qu'à préserver les droits du créancier en attendant l'issue du litige.
2. LES DIFFÉRENTS TYPES DE SAISIE AVANT JUGEMENT
Il existe principalement deux catégories de saisie
avant jugement. La première permet de saisir les actifs
d'un débiteur, lorsqu'il y a lieu de croire que le
recouvrement d'une créance est en péril en raison
de manoeuvres louches ou déloyales de sa part. La deuxième
catégorie vise les saisies de biens meubles sur lesquels
un créancier prétend avoir des droits, à
titre de propriétaire ou autrement.
a) La saisie en cas de crainte que le recouvrement d'une créance ne soit mis en péril
Une telle saisie avant jugement ne sera accordée que dans des circonstances exceptionnelles et elle doit être préalablement autorisée par un juge. Le juge autorisera cette saisie s'il y a des motifs précis qui donnent lieu de craindre sérieusement pour le recouvrement de la créance. Le créancier doit donc démontrer que son débiteur se comporte d'une manière déloyale, douteuse ou louche, donnant lieu de croire qu'il est en train de se départir de ses biens afin d'éviter de payer sa dette.
Les tribunaux ont décidé que le refus ou l'incapacité de payer, voire l'insolvabilité d'un débiteur ne sont pas suffisants pour autoriser une telle saisie, en l'absence de manoeuvres reprochables visant à se départir de ses biens.
Il est à noter que cette saisie peut couvrir tous les actifs qui constituent le patrimoine du débiteur, soit les immeubles, meubles, comptes de banque, actions de compagnies, créances, etc.
b) La saisie d'un bien meuble sur lequel le créancier a un droit
Ce type de saisie est plus fréquent et plus facile à obtenir. Il s'agit d'une mesure accessoire souvent utilisée par le créancier qui prétend avoir des droits sur le(s) bien(s) saisi(s). L'exemple le plus fréquent est celui du fournisseur impayé qui désire annuler la vente et récupérer ses biens. Un des époux peut également, dans une instance matrimoniale, faire saisir avant jugement les biens meubles qui lui appartiennent et même, avec l'autorisation d'un juge dans ce dernier cas, faire saisir les biens de son conjoint à une part desquels il aurait droit en cas de dissolution du régime matrimonial.
Le créancier qui a une priorité au sens de la loi peut faire saisir le bien meuble sur le prix duquel il a une créance prioritaire lorsque le débiteur l'utilise de manière à mettre en péril la réalisation de cette créance.
Malgré une certaine controverse à ce sujet, il semble que le détenteur d'une hypothèque sur des biens meubles peut également les faire saisir avant jugement.
Contrairement au type de saisie décrit à la section précédente, le créancier n'a pas à démontrer de manoeuvres louches ou déloyales de la part de son débiteur. Il n'a qu'à alléguer sous serment les faits lui donnant un droit sur le bien qu'il veut saisir.
Obtenir une saisie avant jugement nécessite la rédaction de divers documents (bref de saisie, réquisition, etc.) que l'avocat se charge de préparer pour son client. Le document le plus important est l'affidavit (déclaration écrite assermentée) expliquant les faits précis en vertu desquels le créancier prétend avoir droit à l'une ou l'autre des saisies mentionnées précédemment. Le client doit donc collaborer étroitement à la rédaction du récit des faits, tout en fournissant les documents nécessaires pour appuyer ses prétentions, le cas échéant.
Une fois la procédure complétée, elle devra être timbrée au palais de justice après avoir obtenu la permission d'un juge dans les cas où celle-ci est nécessaire. Les documents seront ensuite remis à un huissier qui procédera à la saisie, sans préavis au débiteur.
La saisie, nous l'avons déjà dit, n'est qu'un accessoire à une poursuite en justice. Si cette poursuite n'a pas déjà été intentée, elle devra l'être au plus tard dans les cinq (5) jours suivant la saisie.
Le grand avantage stratégique de la saisie avant jugement est l'effet de surprise qu'elle procure. En effet, celle-ci est préparée à l'insu du débiteur qui n'en est informé qu'au moment où l'huissier procède à la saisie. Ce n'est que par la suite, une fois la saisie complétée, que le débiteur pourra en contester la validité par le biais d'une requête en annulation de saisie.
4. ANNULATION D'UNE SAISIE ILLÉGALE
La victime d'une saisie avant jugement peut demander son annulation en préparant une requête qui devra être faite dans les cinq (5) jours de la saisie. Ce délai peut être étendu si le requérant a des motifs valables pour expliquer son retard à agir.
Le débiteur pourra ainsi faire annuler la saisie s'il réussit à démontrer que les allégations de l'affidavit signé par son créancier sont insuffisantes et ne rencontrent pas les critères juridiques justifiant une telle mesure. Ce débat sur l'insuffisance de l'affidavit pourra être fait très rapidement devant un juge en chambre. Si le débiteur saisi échoue à cette première étape, il pourrait néanmoins obtenir l'annulation de la saisie si une enquête révèle que les faits allégués dans l'affidavit sont faux. C'est le créancier saisissant qui aura le fardeau de prouver à cette enquête la véracité des faits allégués dans son affidavit. S'il échoue, la saisie sera annulée et le débiteur pourra recouvrer ses biens en attendant le procès sur la réclamation du créancier. Un appel du jugement statuant sur la validité de la saisie est possible mais la partie perdante doit obtenir d'abord une permission d'en appeler. La requête pour permission d'appeler devra être signifiée dans les dix (10) jours du jugement accordant ou refusant l'annulation de la saisie.
La saisie avant jugement procure un effet de surprise important et peut constituer une arme extrêmement utile et efficace dans le cadre de certains litiges. Elle ne doit cependant être accordée que lorsque certaines conditions légales sont strictement respectées. En raison de son effet parfois dévastateur, elle peut donner lieu à des abus qu'il faut savoir éviter. Par exemple, le créancier qui obtient une saisie en déclarant sous serment des faits qu'il sait être faux s'expose à une poursuite en dommages pour saisie abusive.
N'hésitez pas à contacter votre avocat pour en savoir plus long sur la saisie avant jugement et ses conditions d'application.
Dernière mise à jour au 17 mai 2005
Avis. L'information présentée ici est de nature générale et est mise à votre disposition sans garantie aucune notamment au niveau de son exactitude ou de sa caducité. Cette information ne doit pas être interprétée comme constituant des conseils juridiques. Si vous avez besoin de conseils juridiques particuliers, vous devriez consulter un avocat.
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