Jean-Louis Baudouin, Ad.E., ancien juge à la Cour d'appel du Québec et Patrice Deslauriers, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Montréal et avocat.
Texte résumé par : Jurismedia inc.
Texte mis à jour par : Me Sebastian Fernandez, du cabinet Bélanger Longtin, Montréal
Tiré de: La responsabilité civile, Baudouin, J.-L. et P. Deslauriers, Éditions Yvon Blais.
3. Les conditions générales de la responsabilité contractuelle
Le présent texte a pour objectif de fournir au lecteur non-initié au droit un bref aperçu des notions de base de la « responsabilité civile », c'est-à-dire l’« obligation pour une personne de réparer le préjudice qu’elle a causé à une autre personne par sa faute, par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait d’un bien qu’elle a sous sa garde ». Le sujet est si vaste qu'il a fait l'objet de milliers de jugements à travers les années, chacun invoquant un principe appliqué spécifiquement à un cas particulier. Conséquemment, en ces quelques pages, seuls les principes fondamentaux sont exposés et, dans toute circonstance entourant votre responsabilité ou dans laquelle vous avez subi un préjudice, il est suggéré de consulter un avocat pour connaître vos obligations et protéger vos droits.
La responsabilité civile naît du non-respect d'un devoir ou d'une obligation auquel on est tenu envers une autre personne. En droit québécois, il existe deux types de responsabilité, soit la responsabilité civile résultant d'un contrat (responsabilité contractuelle) et celle résultant de faits et gestes (ou omissions) d'une personne en l'absence d'un contrat (responsabilité extracontractuelle - voir notre article sur ce sujet).
La responsabilité civile contractuelle est celle découlant du refus ou de la négligence d'une personne d'honorer les engagements pris en vertu d'un contrat. Le principe de la responsabilité civile contractuelle est énoncé à l'article 1458 du Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q. »). Elle repose donc sur une obligation incombant à toute personne partie à un contrat de « réparer le préjudice causé à son cocontractant en raison de son défaut d’honorer les engagements qu’elle y a contractés ».
Les deux régimes de responsabilité civile (extracontractuelle et contractuelle) sont basés sur la notion de « faute », soit un manquement, intentionnel ou non, à une obligation civile. Dans le cas de la responsabilité contractuelle, un débiteur (c.-à-d., la personne qui doit exécuter une obligation envers une autre) ne remplit pas son obligation ou ne le fait que partiellement, ce qui entraîne un préjudice (ou dommage) au créancier (c.-à-d., la personne à qui est due l'exécution de l'obligation). Si cette faute entraîne un préjudice à une autre personne et qu'il existe un lien de cause à effet entre les deux, il y a alors obligation de réparer (ou d'indemniser) ce préjudice.
Il arrive souvent qu'un fait générateur de dommage puisse être analysé à la fois comme une faute contractuelle et comme une faute extracontractuelle. Par exemple, une personne ayant été victime d'une opération chirurgicale ratée pourrait voir dans celle-ci des éléments des deux types de régimes, soit un manquement à une obligation générale de bien se conduire (responsabilité extracontractuelle) ainsi qu'un manquement à une obligation découlant d'un contrat (responsabilité découlant d'un contrat de soins médicaux par exemple).
Cependant, la personne ayant subi un dommage ne peut être indemnisée en se basant à la fois sur le régime de la responsabilité extracontractuelle et sur le régime de la responsabilité contractuelle. Le second alinéa de l’article 1458 C.c.Q.précise, en effet, qu'on ne peut opter entre l'application d'un des deux types de régimes lorsque le régime contractuel est susceptible de s’appliquer. Ainsi, si une relation contractuelle existe entre la personne ayant subi un dommage et celui qui l'a causé, l'éventuel recours en dommages-intérêts devra nécessairement être basé sur la faute contractuelle. Il faut donc bien identifier et qualifier juridiquement les relations entre les parties ainsi que la faute commise. Enfin, cette interdiction de l’option de régime est une règle impérative, à laquelle les parties ne peuvent déroger d’un commun accord dans un contrat.
3. Les conditions générales de la responsabilité contractuelle
En matière contractuelle, la responsabilité civile du débiteur en cas d'inexécution de son obligation est conditionnelle à la réunion de quatre conditions fondamentales:
3.1 La capacité de discernement
En matière contractuelle, la loi protège le majeur « inapte » (personne non douée de raison, c'est-à-dire incapable de se rendre compte de la nature de l'acte qu’elle posait, de sa portée et de ses conséquences possibles) lors de la formation du contrat, et ce au moyen de divers régimes de protection, et prévoit la possibilité d'annuler les engagements pris avant l'ouverture d'une tutelle ou d'une curatelle au majeur. Les personnes temporairement inaptes à donner leur consentement au moment de la conclusion du contrat, mais sans que leur état ne justifie l’établissement d’un régime de protection, peuvent également se prévaloir d’une annulation du contrat : tel est le cas, notamment, des personnes gravement intoxiquées au moment de donner leur consentement. Dans ces cas, puisque les majeurs non protégés sont présumés aptes à contracter par le C.c.Q., il incombera à ces personnes de renverser cette présomption en faisant la preuve, notamment par témoignages d’experts, de leur inaptitude temporaire.
Pour certains types de contrats, la loi prévoit, en cas d'incapacité ou d'« inaptitude » du débiteur, des modes de réparation permettant de mettre fin à la relation contractuelle pour l'avenir. En effet, dans ces situations, l'incapacité du débiteur permet au créancier de considérer le contrat comme résolu ou d'en demander la résolution ou la résiliation (voir la différence entre ces deux termes aux sections 4.3.1 et 4.3.2). C'est le cas pour le contrat d'entreprise ou de services, le contrat de travail, le mandat et le contrat de société (exemple: le cas de l'associé dans une entreprise qui, suite à un accident d'automobile, est tombé dans le coma et ne peut, de toute évidence, plus travailler.).
Dans le cadre de la responsabilité civile contractuelle, la faute découle d'un manquement à une obligation assumée par contrat.
Par ailleurs, la « faute lourde », soit celle qui dénote chez son auteur une insouciance, une imprudence ou une négligence grossière (art. 1474 C.c.Q.), fait échec à la possibilité pour le débiteur d'invoquer une clause contractuelle de non-responsabilité (ou « exonératoire de responsabilité ») ou de limitation de responsabilité résultant de la loi lorsque le préjudice est matériel. Pour les préjudices moraux et corporels, la responsabilité ne peut, en aucun cas, être exclue ou limitée par voie contractuelle.
3.2.1 L'intensité des devoirs contractuels
L'intensité des devoirs contractuels se classe en trois groupes, soit:
3.2.2 Les formes de la faute contractuelle
Lorsqu’un débiteur refuse de livrer l'objet promis, de payer la somme due ou de faire ce qu'il s'est engagé à faire et que le contrat est synallagmatique (c.-à-d., comporte des droits et obligations réciproques pour les deux parties), ce refus permet au créancier de l'obligation incombant au débiteur de suspendre l'exécution de sa propre obligation réciproque tant que son cocontractant, c’est-à-dire le débiteur, n’a pas exécuté substantiellement la sienne ou n’a pas offert de l’exécuter. C'est ce qu'on appelle en droit l'exception d'inexécution.
La réclamation possible contre un débiteur en cas d'exécution tardive d'un contrat est essentiellement tributaire des conséquences de celle-ci sur le créancier. Ainsi, si le retard n'occasionne au créancier que le simple inconvénient de ne pas avoir eu sa marchandise (par exemple, de ne pas recevoir celle-ci au moment où il s'y attendait), il pourra être compensé par l'octroi de dommages « moratoires » (ou dommages dus pour le retard de l’exécution de la prestation). Si, par contre, le retard équivaut à une inexécution totale (exemple: le couturier qui livre la robe de mariée le lendemain des noces), le créancier peut alors réclamer tous les dommages directs, immédiats et prévisibles résultant d'une inexécution complète de même que la résolution de l'engagement.
Elle survient lorsqu’un débiteur n'accomplit qu'une partie du devoir qui lui incombe, par exemple en ne livrant qu'une partie des marchandises commandées par son créancier ou en ne faisant qu'une partie du travail qu'il s'était engagé à faire. Selon les circonstances, l'exécution partielle pourra équivaloir à une inexécution partielle ou totale.
À titre d'illustration, l'acteur engagé pour jouer dans une pièce de théâtre qui refuse de continuer après le premier acte a un comportement entraînant une inexécution totale de son contrat. L'objet de son obligation est alors « indivisible ». Si au contraire, l'obligation est « divisible » (exemple: la livraison de marchandises en différentes parties), le créancier doit alors considérer l'obligation comme partiellement exécutée et poursuivre le débiteur pour la seule portion manquante. Toutefois, si l'exécution en une seule et même fois est essentielle au contrat ou est une considération principale du contrat, ou encore, une exécution partielle lui n’est d’aucun intérêt, le créancier peut considérer l'exécution partielle comme équivalant à une inexécution totale. Il s'agit là d'une question de fait laissée à l'appréciation du tribunal, en tenant compte des circonstances particulières.
3.2.2.4 Inexécution d'une obligation accessoire
Elle survient lorsqu’un débiteur fait défaut de remplir une obligation « accessoire » au rapport contractuel entre les parties. Si l'exécution de cette obligation accessoire est absolument indispensable à l'utilité même de l'obligation principale, le créancier est en droit de considérer le contrat comme totalement inexécuté. Il en est de même si l'exécution de l'obligation accessoire constitue une condition intégrale de l'engagement. Si tel n'est pas le cas, le créancier conserve ses droits relativement à l'obligation accessoire, sans pouvoir toutefois considérer le contrat comme totalement inexécuté.
Les exemples qui suivent illustrent le concept d'obligation accessoire:
Elle survient lorsqu’un débiteur pose l'acte ou livre l'objet promis, sans que celui-ci soit conforme aux standards ou modèles conventionnels prévus ou implicites. Ces cas sont fréquents en matière de louage de services ou de biens, de contrat de vente, de mandat et de contrat d'entreprise. Une obligation mal exécutée est une obligation non exécutée.
Une personne ne peut poursuivre une autre sans qu'elle ait subi un préjudice (ou dommage).
Nous vous renvoyons à la section 4, "Les modes de réparation"pour vous familiariser avec les caractéristiques du dommage d’ordre contractuel.
3.4 Le lien de cause à effet entre la faute et le dommage
La détermination du lien de cause à effet (ou causalité) en matière contractuelle ne pose pas autant de problèmes qu'en matière extracontractuelle. Il suffit, en effet, de démontrer que le dommage subi est la conséquence directe, immédiate et prévisible d'une faute d'inexécution des obligations assumées par contrat par le débiteur.
L'envoi d'une mise en demeure par un créancier à son débiteur récalcitrant est une condition essentielle au recours à la justice afin d'obtenir l'exécution de l'obligation découlant d'un contrat, sauf exception (voir ci-dessous).
La mise en demeure est l’« acte par lequel le créancier enjoint formellement son débiteur qui tarde à remplir son obligation, de l’exécuter dans un délai déterminé sous peine de poursuites judiciaires en cas de défaut », et ce à l’échéance de l’obligation. Elle constitue un avertissement de la part du créancier qu'il se prépare à exiger devant la justice, si nécessaire, l'exécution de l'obligation, ou d'en demander ou constater la résolution ou la résiliation. Elle constitue également un avis que le créancier ne songe pas à prolonger le délai accordé au débiteur pour s'exécuter au-delà de celui qu'il a fixé. Elle peut aussi constituer une offre ou une incitation à parfaire ou à compléter l'exécution de l'obligation, en donnant au débiteur l'opportunité de remédier à la situation et donc d'éviter un litige potentiel. Enfin, il peut également s’agir d’une manière pour le créancier d’inviter le débiteur à résoudre la problématique en cause dans le cadre d’un mode alternatif de résolution des conflits, notamment en l’invitant à négocier, la prise en considération de ces modes par les parties à un contentieux étant par ailleurs imposée par le Code de procédure civile depuis 2016.
La mise en demeure doit être suffisamment précise et contenir les reproches exacts adressés par le créancier à son débiteur. En règle générale, le créancier doit mettre en demeure son débiteur avant de demander l'exécution forcée de son obligation par voie judiciaire. Il existe cependant des exceptions:
Il existe deux formes principales de mise en demeure:
La mise en demeure produit trois effets principaux:
Pour en connaître plus sur la mise en demeure, consultez notre article "La mise en demeure". Vous pouvez également rédiger votre mise en demeure directement sur la page www.avocat.qc.ca/miseendemeure.htm.
Un individu peut rédiger sa propre mise en demeure mais seul un avocat peut le faire pour un autre individu.
4.1.1 L'exécution forcée en nature
Le tribunal peut, par jugement, ordonner au débiteur de faire quelque chose (injonction « mandatoire »). Celui qui refuse de s'y soumettre se rend alors coupable d'outrage au tribunal et peut être condamné à une amende, et même à l’emprisonnement. À titre d'illustration, une injonction mandatoire a été accordée pour obliger le locataire d'un centre commercial à garder son commerce ouvert durant certaines heures conformément à l'entente intervenue entre les parties; pour forcer un syndicat à réintégrer des membres illégalement expulsés; etc.
4.1.2 L'exécution en nature par équivalent
Cette forme d'exécution en nature suppose que l'exécution de l'obligation peut être indifféremment faite par le débiteur lui-même ou par une autre personne en ne modifiant pas sa valeur. Il s’agit donc, pour le créancier, lorsque le débiteur fait défaut d’exécuter une obligation de faire lui incombant, de l’exécuter lui-même ou de la faire exécuter par une autre personne (« tiers »), et ce aux frais du débiteur. Le créancier n’a généralement pas besoin d’une autorisation du tribunal pour s’en prévaloir, mais doit toutefois en aviser le débiteur par le truchement d’une demande extrajudiciaire ou judiciaire, sauf si le débiteur est en demeure de plein droit (automatiquement) par le seul effet de la loi ou suivant les termes du contrat entre les parties.
Les créanciers ont couramment recours à ce type de sanction en matière de contrats d’entreprise. Par exemple, si un débiteur refuse d'entreprendre un ouvrage ou néglige de terminer un ouvrage qu'il avait commencé, le créancier de l'obligation peut exécuter lui-même l'ouvrage ou le faire exécuter par une autre personne, aux frais du débiteur. Le créancier de l'obligation doit simplement prévenir le débiteur qu'il entend se prévaloir de ce moyen dans sa mise en demeure judiciaire ou extrajudiciaire, sauf lorsque le débiteur est en demeure de plein droit (automatiquement) par le seul effet de la loi.
L'action en passation de titre ou l'action en radiation d'hypothèque se trouvent également dans cette catégorie. La première consiste à ce qu'un jugement équivaille à signature dans un acte de vente en bonne et due forme, alors que la radiation d'hypothèque a lieu lorsque l'acheteur d'un immeuble franc et quitte s'aperçoit de l'existence d'une hypothèque enregistrée par un tiers. Le jugement, faute par le vendeur de faire radier l'inscription, équivaut à celle-ci.
4.1.2.2 Obligation de ne pas faire
Lorsque c'est possible, le créancier d'une obligation de ne pas faire peut demander au tribunal l’autorisation de procéder à la destruction, lui-même ou via des officiers de justice, de ce qui a été fait en contravention de l'obligation. Par exemple, une personne peut faire enlever un édifice construit par quelqu'un d'autre en contravention d'une obligation contractuelle ou légale de ne pas bâtir. La démolition se fait aux frais du débiteur, sans préjudice aux recours pour les autres dommages que le créancier a pu subir.
4.2 La compensation en "dommages-intérêts
Lorsque le créancier ne peut ou ne veut pas obtenir l'exécution en nature de l'obligation ou la résolution pure et simple du contrat, il peut alors rechercher une compensation d’une valeur équivalente par un recours en « dommages-intérêts ». Ce recours peut être joint à un recours en résolution ou en résiliation du contrat pour le dommage subi par le créancier.
Le dommage subi par le créancier et, par conséquent, le type de dommages-intérêts peut être de deux ordres:
4.2.1 Dommages-intérêts "compensatoires"
Le montant accordé par le tribunal doit permettre de replacer le créancier dans la situation où il aurait été si le débiteur avait fidèlement exécuté l'obligation, sans toutefois enrichir indûment le créancier. Les dommages accordés judiciairement s’évaluent en fonction du préjudice subi par le créancier et comprennent deux éléments distincts, soit la perte subie et le gain manqué. En matière contractuelle spécifiquement, la réparation du préjudice est sujette à certaines particularités : entre autres, l’indemnité doit se limiter au préjudice qui fut prévu par les parties, ou encore prévisible au moment de conclure le contrat. L’incidence possible de modifications conventionnelles sur l’indemnisation doit également être prise en considération.
Le débiteur n'est tenu que des dommages constituant une suite directe et immédiate de l'inexécution. Le législateur a voulu éviter que le débiteur ne soit tenu des conséquences et des effets éloignés de sa faute en éliminant le dommage par ricochet. À titre d'exemple, la jurisprudence a retenu comme constituant un dommage direct les frais de notaire encourus par l’une des parties suite au défaut de signer un contrat de vente. Par contre, la perte totale d'un troupeau suite à sa contamination par un animal malade a été considérée comme une perte indirecte. Il en a été de même pour le remboursement d'un emprunt contracté pour acheter une maison par un employé illégalement congédié. Dans ces deux cas, le dommage subi par le créancier, puisqu’indirect, n'a pas donné ouverture à une compensation par le débiteur.
Le débiteur n'est tenu que des dommages-intérêts qui sont prévus ou qu'on a pu prévoir au moment où l'obligation a été contractée, lorsque ce n'est point par sa faute intentionnelle ou par sa faute lourde. Même dans le cas où il aurait commis une telle faute, rappelons que le débiteur n'est tenu que de ce qui est une suite directe et immédiate de son inexécution, la prévisibilité comme le caractère direct et immédiat des dommages étant des conditions cumulatives. Enfin, la prévisibilité des dommages doit s'apprécier au jour où le contrat a été conclu, en considération des dommages qu'un contractant raisonnablement prudent et diligent pouvait prévoir dans les circonstances.
4.2.2 Dommages-intérêts moratoires
Les dommages-intérêts moratoires ont pour vocation de « réparer le préjudice résultant du retard du débiteur à exécuter son obligation », et sont donc ceux dus au créancier du seul retard apporté par le débiteur à l'exécution de l'obligation. Ils nécessitent une mise en demeure fournissant la preuve que le créancier n'a pas entendu accorder un terme de grâce à son débiteur. Les dommages-intérêts sont dus à partir de la date de la mise en demeure, sauf dans les cas contraires prévus par la loi. Dans le cas d'une obligation ne comportant pas de somme d'argent, les dommages sont dus à partir de la demeure ou de toute autre date postérieure que le tribunal estime appropriée dans les circonstances (par exemple, la date de l'institution de la demande en justice ou celle du jugement).
S'il s'agit d'une obligation monétaire, les dommages moratoires sont constitués des intérêts sur la somme, au taux légal ou au taux convenu entre les parties, dans les limites permises par la loi. Dans le cadre de la demande en justice, les intérêts sur la somme d'argent sont dus au créancier sans qu'il n'ait à apporter la preuve que le retard lui a effectivement causé un dommage.
4.2.3 Dommages-intérêts conventionnels
Les parties à un contrat peuvent quantifier à l'avance, par une « clause pénale », les dommages qui devront être payés en cas d'inexécution. La clause pénale fixe conventionnellement le montant dû au créancier en cas d'inexécution fautive. Il s’agit donc, somme toute, d’une clause par laquelle « une partie s’engage, en cas d’inexécution ou de retard dans l’exécution de son obligation, à verser à l’autre, à titre de dommages-intérêts, une somme d’argent dont le montant est fixé d’avance » par les parties. L’usage d’une telle clause est particulièrement fréquent dans les contrats de service et d’entreprise et comporte plusieurs avantages. En effet, elle permet notamment d'éviter certains aléas d'une contestation judiciaire et de dispenser le créancier de rapporter la preuve du dommage subi. Elle peut prendre des formes variées et peut ainsi prévoir, par exemple, le paiement d'une somme forfaitaire en cas d'inexécution ou d'une pénalité calculée à tant par jour de retard ou encore la cession de droits. Toutefois, si l'exécution partielle de l'obligation a profité au créancier ou si la clause pénale est abusive, le montant de la peine inscrite au contrat peut être réduit. La détermination du caractère abusif d’une clause pénale s’apprécie selon plusieurs critères développés par la jurisprudence, notamment « la disproportion importante entre les dommages réels et les dommages liquidés, le caractère déraisonnable de la clause (surtout s’il dénature le contrat), la comparaison défavorable entre la clause et la valeur du contrat », etc. Une telle clause peut aussi être une clause limitative de responsabilité, auquel cas se pose la question de la détermination de la validité d’une telle clause suivant le régime relatif aux clauses limitatives de responsabilité (voir notamment la Section 3.2 du présent).
Certaines dispositions du C.c.Q., de la Loi sur la protection du consommateur, de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité ainsi que d'autres lois viennent spécifier des limites à l'effet d'une clause pénale.
4.3 La résolution judiciaire et la résolution de plein droit
La résolution par action judiciaire ou de plein droit permet au créancier de mettre fin au contrat lorsque son cocontractant fait défaut d'exécuter ses obligations. Lorsque le débiteur est en demeure de plein droit (automatiquement) d'exécuter son obligation ou qu'il ne l'a pas exécutée dans le délai fixé par la mise en demeure, la « résolution » ou la « résiliation » du contrat peut avoir lieu sans poursuite judiciaire.
La résolution permet au créancier de dissoudre le lien contractuel pour l'avenir et d'obtenir la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion du contrat. Elle a ainsi un effet rétroactif.
Lorsqu'il s'agit d'un contrat à exécution successive (exemple: contrat de louage), le recours pour mettre fin au contrat est la résiliation. Contrairement à la résolution, la résiliation n'a pas d'effet rétroactif et fait donc disparaître l'engagement contractuel pour l'avenir seulement.
Dans son second sens, hors de tout contexte de responsabilité civile, la résiliation désigne le droit pour une partie, ou les deux parties, de mettre fin à un contrat par un simple acte de volonté. C'est notamment le cas en matière de contrat de travail à durée indéterminée, de contrat d'entreprise et de mandat.
4.4 Le réduction des obligations
Dans le cadre d'un contrat à obligation successive (exemple: contrat de location), si l'inexécution est de peu d'importance et n'a pas un caractère répétitif, le créancier a alors droit à une réduction proportionnelle de son obligation. C'est le cas, par exemple, de la réduction de loyer accordée au locataire en raison du défaut du propriétaire d'effectuer des réparations dans le logement.
Enfin, il faut se garder de confondre « dommages-intérêts compensatoires » et « réduction des obligations », dans la mesure où la première notion réfère fondamentalement à une indemnisation des conséquences d’un préjudice, lesquelles ne sont guère remédiées par la seconde.
5 Les causes d'exonération ou de limitation de la responsabilité
La responsabilité contractuelle étant fondée sur la faute, le débiteur peut s'exonérer, totalement ou partiellement, en démontrant qu'il n'a pas failli au standard fixé par la loi, ou en prouvant soit qu'au moment de la conclusion du contrat il avait, d’un commun accord avec son cocontractant, dégagé ou limité sa responsabilité éventuelle. Il peut aussi exister dans certains cas un texte législatif faisant en échec à une compensation pleine et entière. Enfin, rappelons que les parties à un contrat ne peuvent en aucun cas, par voie contractuelle, limiter ou exclure leur responsabilité pour d’éventuels préjudices corporels ou moraux (art. 1474 al. 2 C.c.Q.).
Les causes légales d'exonération sont les suivantes:
5.2 Les clauses de limitation de responsabilité
On peut inclure dans les contrats des clauses limitant ou excluant la responsabilité. Le C.c.Q. reconnaît la validité de telles clauses, sauf lorsqu'elles s'appliquent au préjudice corporel ou moral. Il est donc possible, sous différentes réserves, d'exclure ou de limiter la responsabilité pour un préjudice matériel attribuable au fait de la personne elle-même, ou du fait de ses agents, préposés ou employés, sauf pour certains contrats pour lesquels la loi s'y oppose (par exemple selon la Loi sur le transport aérien ou dans le cas des professionnels, selon leurs codes de déontologie).
Les clauses de limitation ou d'exclusion de responsabilité ne peuvent jamais avoir pour effet de permettre au débiteur de se libérer de sa responsabilité en cas de faute intentionnelle ou de faute lourde. La faute intentionnelle est celle commise de façon volontaire et délibérée dans le but de nuire, alors que faute lourde est celle qui dénote chez son auteur une insouciance, une imprudence ou une négligence grossière. Il est à noter qu’une clause qui exonère ou limite un débiteur de sa responsabilité même en cas de faute lourde ou intentionnelle est nulle.
De plus, il faut que le cocontractant ait accepté la clause de limitation ou d'exclusion de responsabilité pour qu'elle soit valide. Si un avis d'exclusion de responsabilité a été affiché (par exemple, sur un récépissé de stationnement), celui-ci n'a d'effet que si le cocontractant prouve que l'autre partie avait connaissance de celui-ci au moment de la formation du contrat. Le principe est le même si l'avis n'a pas été affiché.
Dans certains cas, la loi a volontairement mis en échec le principe de la compensation pleine et entière et de l'indemnisation complète du créancier au moyen d'une disposition qui impose un plafond au montant que le créancier peut exiger du débiteur. Il en est ainsi notamment des hôteliers, dont la responsabilité pour les objets des voyageurs logeant chez eux est en principe limitée à une certaine somme. De même, en matière de transport, des dispositions du C.c.Q. ou de certaines lois particulières (Loi sur le transport aérien, Loi sur la responsabilité en matière maritime, Loi sur les transports au Canada et Loi sur les transports) fixent le plafond maximum d'indemnisation due par le transporteur en cas d'inexécution de son contrat et soumettent les clauses d'exonération à des règles spéciales.
Les contrats concluent entre personnes physiques et/ou morales (compagnies) régissent une grande partie des problèmes pouvant subvenir au plan de la responsabilité au fil d’une relation contractuelle. Or, encore faut-il que le contrat soit rédigé clairement et comporte un minimum d'ambiguïtés. Au-delà de la qualité du contrat, une relation de confiance entre les parties doit régner et une volonté commune à s'adapter à un environnement changeant doit permettre de maximiser la valeur de leur relation, les parties étant par ailleurs soumises à une obligation générale de bonne foi dans le cadre de leurs relations, et ce dès lors de la phase précontractuelle.
Dernière mise à jour : 22 juillet 2019
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