Le réseau juridique du Québec : Meta-tags et site web


Meta-tags et site web


AVIS AUX LECTEURS


Le présent texte constitue un ouvrage de référence faisant partie intégrante de la "Banque de textes juridiques historiques" du Réseau juridique du Québec.

L'information disponible est à jour à la date de sa rédaction seulement et ne représente pas les changements législatifs et jurisprudentiels en vigueur depuis sa rédaction.



Martin Dubois, avocat, Bernier Beaudry, société d'avocats s.e.n.c., Sainte-Foy.


Contenu

Introduction

La technique

L'usage de la technique

Les implications juridiques

Le droit québécois

 


Introduction

Tous seront d'accord pour conclure que l'objet de la mise « en ligne » d'un site Web est la diffusion de l'information qui y est contenue. Que cet objet ait une saveur purement ludique ou commerciale, il n'en demeure pas moins que la diffusion souhaitée ne se réalisera pas sans une indexation efficace du site Web sur les moteurs de recherche connus et utilisés par les internautes.

Afin de maximiser cette indexation, plusieurs méthodes sont employées par les éditeurs de sites Web. L'une des méthodes les plus connues (et efficaces) est sans doute la création et la gestion de « Meta-tags ».

La technique

La page que vous lisez actuellement à l'écran de votre ordinateur personnel recèle des codes de HTML qui sont invisibles. Pour y avoir accès, cliquez sur le bouton droit de votre souris et sur « view source » ou « afficher la source » :

La nouvelle fenêtre qui vient de s'ouvrir affiche des lignes de code HTML gérant le contenu de la page. Vous retrouvez dans les premières lignes de codes, certaines qui débutent par < (meta…, ces lignes sont utilisées par les éditeurs de sites Web afin d'y inclure des « mots-clés ». En retour, ce sont ces mots-clés qui seront ciblés par les moteurs de recherche lors des requêtes soumises par les usagers du Web. En effet, les moteurs de recherche possèdent des petits programmes que l'on nomme « spider » ou « robot » qui lisent ces mots-clés dans le cadre de l'opération d'indexation des résultats de recherche. Il n'existe pas de méthode universelle fonctionnant avec tous les moteurs de recherche mais l'efficacité de cette technique n'est plus à démontrer.

L'usage de la technique

L'efficacité de cette technique est telle que la création et la gestion des « Meta-tags » sont des facettes critiques du plan de marketing d'un site Web : plus le choix des mots-clés est judicieux, plus grandes sont les probabilités que le site Web soit parmi les premiers répertoriés par les moteurs de recherche et les premiers affichés.

Il est donc très facile de comprendre l'engouement pour cette technique de référence si l'on désire commercialiser efficacement ses produits sur le Web et à chacun des 327 millions d'utilisateurs!

Tel qu'il fallait s'y attendre, dans un monde virtuel où les règles sont en évolution constante, l'usage des « Meta-tags » pose des problèmes juridiques qui ont mérité l'attention des tribunaux américains et, plus récemment, québécois.

Les implications juridiques

À l'instar d'autres techniques telles le « deep linking » et le « framing », dont nous traiterons dans le futur, le « metatagging » a donné naissance à une série de poursuites judiciaires qui ont permis, à ce jour, de mieux en circonscrire l'usage. La plupart de ces décisions importantes sont issues des États-Unis mais, avec les adaptations nécessaires, il est possible d'en retirer des principes généraux applicables en droit canadien et québécois. Les marques de commerce ont fait l'objet des principales décisions car il était possible d'identifier efficacement une source de droit sur laquelle des sanctions (remedies) pouvaient s'appuyer. La question était simple : pouvait-on employer une marque de commerce détenue par un tiers dans ses « Meta-tags »? Si oui, quelles sont les limites juridiques de cet emploi?

La première cause relative à l'usage illicite de certains mots dans les « Meta-tags » est Oppedahl and Larson c. Advanced Concepts (1997). Oppedahl and Larson est un cabinet d'avocats traitant de dossiers liés aux litiges concernant les noms de domaine Internet. Advanced Concepts gère une entreprise d'hébergement Web et une partie de ses revenus provient des frais d'enregistrement des noms de domaine pour hébergement sur ses serveurs. Bien qu'aucun jugement sur le fond n'ait été rendu dans cette affaire, le tribunal a enjoint par injonction à Advanced Concepts de cesser l'usage du nom de la société d'avocats dans ses « Meta-tags » sans l'autorisation du cabinet.

Le premier dossier traitant spécifiquement de l'usage d'une marque de commerce dans les « Meta-tags » a été Insituform Technologies inc. c. National Envirotech Group L.L.C. (1997). National Envirotech Group L.L.C. avait inséré des marques de commerce détenues par Insituform Technologies inc. dans les « Meta-tags » de son site Web. Encore une fois, une entente fut conclue sur le fonds mais le tribunal a émis une injonction permanente à l'endroit de National Envirotech Group L.L.C.

Par la suite et de loin les plus publicisées des causes du genre, les affaires « Playboy » ont eu un impact sur les dossiers ultérieurs. En ordre, on retrouve les dossiers Calvin Designer Label, Asia Focus et Terri Wells.

La cause Calvin Designer Label est important puisqu'il est le premier jugement sans règlement d'aucun genre. Calvin Designer Label, éditeur de sites Web pour adultes, s'est fait opposer une injonction préliminaire pour avoir employé les termes « Playboy » et « Playmate » des centaines de fois dans ses « Meta-tags » afin de maximiser l'efficacité des recherches par les moteurs usuels. La cause est encore pendante.

L'affaire Asia Focus est très semblable à l'arrêt Calvin Designer Label à la seule exception qu'il s'agit de la première décision condamnant la défenderesse au paiement d'une somme d'argent à titre indemnitaire.

Les affaires Wells (1998) impliquent la « Playmate of the year 1981 » qui employait son titre et les mots « Playboy » et « Playmate » dans les « Meta-tags » et dans les pages Web de son site promotionnel. Il s'agit à ce jour du seul dossier connu où la partie ayant délibérément employé une marque de commerce d'un tiers a été exonérée. En effet, le tribunal américain en est arrivé à la conclusion que l'usage des marques de commerce détenues par « Playboy » n'avait pas pour but de confondre le public et qu'il s'agissait d'un « fair use » (notion inconnue en droit canadien). Non contente de sa victoire contre le géant américain, Mme Wells a par la suite intenté un recours en dommages contre Playboy afin d'être indemnisée suite à l'acharnement de l'entreprise. Cette cause est toujours pendante.

Un peu plus près de nous, la cause Niton Corporation c. Radiation Monitoring Divices inc. est un autre exemple d'emploi illicite d'une marque de commerce d'un tiers dans les « Meta-tags », lequel a découlé en une ordonnance judiciaire interdisant à Radiation Monitoring Devices inc. d'employer son site Web « (…) in any way that might lead consumers to believe that the defendant's Web site is the plaintiff's Web site or that the parties are affiliated ».

Enfin, considéré comme étant la décision américaine la plus fouillée depuis le premier litige de la sorte, Brookfield Communications, Inc. c. West Coast Entertainment Corporation réitère avec vigueur le principe voulant que l'usage non autorisé d'une marque de commerce dans les « Meta-tags » pourrait créer sur le public un « initial interest confusion » (autre notion inconnue en droit canadien) autorisant l'émission d'une injonction.

Le droit québécois

Les répercussions de tels recours chez nos voisins du Sud ont enfin trouvé leur chemin devant nos tribunaux québécois. En effet, la plus récente cause recensée traitant du metatagging est québécoise et oppose Convectair NMT inc. et Ouellet Canada1 dans un débat évoquant la responsabilité que pourrait encourir une entreprise suite à l'usage d'une marque de commerce concurrente dans les « Meta-tags » de son site Web. Tel que mentionné précédemment, une telle pratique pourrait augmenter les occurrences de résultat au moment de l'utilisation par les internautes des moteurs de recherche.

Dans le cadre d'une requête en exception déclinatoire (afin de déplacer le débat judiciaire d'un lieu à un autre) le tribunal s'est risqué à émettre certains commentaires intéressants. Le juge mentionne en effet que la Loi sur les marques de commerce, à son article 7, interdit « d'appeler l'attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada ».

Or, dans le litige, Ouellet Canada avait inséré certaines marques de commerce détenues par Convectair NMT inc. dans ses « Meta-tags » afin, semble-t-il, d'augmenter les occurrences lors de recherche. Convectair NMT inc. invoque que l'insertion du mot « Convectair » dans les « Meta-tags » des pages du site Web de Ouellet Canada constituerait une concurrence déloyale et créerait une confusion ou une apparence de confusion chez les clients potentiels de Convectair NMT inc.

Quant à elle, Ouellet Canada invoque plutôt que le terme « Convectair » est tellement populaire auprès des internautes qu'il a acquis une signification d'ordre générique, à l'image des termes « Kodak », « Kleenex » et « Frigidaire ».

Selon le droit canadien, puisque l'intention de causer la confusion au sens de la Loi sur les marques de commerce n'est pas un critère légal d'appréciation de celle-ci et qu'il serait possiblement risqué d'investir lourdement dans cette défense, Ouellet Canada devra vraisemblablement soumettre une preuve bien étayée au soutien de ses prétentions quant à la nature générique du mot « Convectair ».

Si elle échoue, Ouellet Canada risque de devoir payer à Convectair NMT inc. les profits générés suite à l'augmentation de ses ventes par la vente de produits similaires à ceux de Convectair depuis la mise « en ligne » de son site Web, en plus d'une somme additionnelle de 50 000 $ à titre de dommages punitifs. Selon les dernières vérifications, le dossier a été transféré dans le district judiciaire de Montmagny, une défense a été déposée à l'automne 1999 par Ouellet Canada mais le dossier n'a pas évolué depuis.

Le cabinet Bernier Beaudry, société d'avocats s.e.n.c. suivra les résultats de cette cause unique au Québec pour commentaires ultérieurs.


Mise à jour au 15 mai 2000.


 


1. Convectair NMT c. Ouellet Canada (C.S. : 300-05-000018-997).

 


Avis : L'information présentée ci-dessus est de nature générale et est mise à votre disposition sans garantie aucune notamment au niveau de son exactitude ou de sa caducité. Cette information ne doit pas être interprétée comme constituant un ou des conseils ou avis juridiques. Si vous avez besoin de conseils juridiques particuliers, veuillez consulter un avocat ou un notaire.

© Copyright 2000 - , Bernier Beaudry, société d'avocats s.e.n.c., Tous droits réservés.