Accès aux documents d'organismes publics | Réseau juridique


L'accès aux documents d'organismes publics


AVIS AUX LECTEURS


Le présent texte constitue un ouvrage de référence faisant partie intégrante de la "Banque de textes juridiques historiques" du Réseau juridique du Québec.

L'information disponible est à jour à la date de sa rédaction seulement et ne représente pas les changements législatifs et jurisprudentiels en vigueur depuis sa rédaction.


Luc Audet, avocat, MERCIER LEDUC, Montréal


Contenu

Introduction

But et usages courants de la loi

Portée de la loi

Principes généraux

Éléments de stratégie

Conclusion


Introduction

Le 23 juin 1982, la Loi l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (ci-après appelée la " Loi ") était adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. On peut donc penser qu'il y avait un consensus politique et social, au Québec, sur la nécessité d'implanter cet outil. Cette Loi a été mise de l'avant pour garantir une plus grande transparence de l'État et de son appareil bureaucratique en donnant aux citoyens un outil de contrôle sur le Gouvernement. Cette Loi avait aussi pour mission de renforcer l'imputabilité des autorités en place qui voyaient se rétrécir le champ du secret derrière lequel trop souvent, malheureusement, les dirigeants et gestionnaires se cachent pour éviter de rendre des comptes.

Ce texte se veut un document d'information générale sur la Loi d'accès à l'information, comme on l'appelle familièrement. On ne traitera donc pas du pendant fédéral de cette Loi, ni du volet protection de renseignements personnels qui couvrent entre autres les dossier patients médicaux, les dossiers de crédit, les rapports d'impôts, etc. Cet article est inspiré par cinq années de vécu à titre de responsable de l'application de cette Loi chez Radio-Québec, ainsi qu'au travers des mandats reçus pour représenter les intérêts des justiciables, à titre d'avocat exerçant en pratique privée.

Notez bien que dans un contexte de procès (civil ou criminel), d'autres règles s'appliquent pour obtenir des documents, qu'ils proviennent d'un organisme public ou pas.

But et usages courants de la loi

Cette Loi permet à toute personne d'avoir accès aux documents détenus par un organisme public provincial. Elle permet aussi d'en obtenir copie. La Loi crée également la Commission d'accès à l'information, qui a un rôle de tribunal administratif et un rôle de surveillance du respect et de l'application de la Loi.

Les documents les plus souvent demandés via cette Loi sont des bilans financiers, des analyses et rapports de consultants et d'employés, des comptes de dépense, certains procès-verbaux et des contrats. Cependant, ne l'oubliez pas, cette Loi permet aussi d'avoir accès à très grande majorité des documents des organismes publics.

Portée de la loi

Quoi de plus naturel que de trouver la portée d'une loi à son premier article ! L'article 1 se lit ainsi:

    " 1. La présente loi s'applique aux documents détenus par un organisme public dans l'exercice de ses fonctions, que leur conservation soit assurée par l'organisme public ou un tiers.

    Elle s'applique quelle que soit la forme de ces documents : écrite, graphique, sonore, visuelle, informatisée ou autre. "

À la simple lecture de cet article, on se rend compte que tel un sirop, le texte en est très concentré. Nous prendrons le temps de le diluer pour bien le comprendre, car cet article répond à la très grande majorité des questions formulées par les justiciables au sujet de cette Loi. Voici donc les prérequis pour avoir droit à l'application de la Loi :

i- Il faut que la demande d'accès vise un document, soit écrit, soit graphique, sonore, visuel, informatisé ou autre. Il faut donc que l'information demandée soit fixée sur un support quelconque. Donc, on ne peut pas avoir accès, par exemple à une intention, une pensée ou autre information qui n'a pas été fixée sur un document ;

ii- Le document doit être " détenue ". La détention peut être physique : l'organisme possède le document ; ou juridique : si l'organisme peut récupérer le document ou s'il en a l'usage, le document est soumis à la Loi. Remarquez que la Loi n'exige pas que l'organisme soit propriétaire du document. Si j'ai prêté un document à un organisme public, ce document est sujet à la Loi. Pourtant, ce document m'appartient ;

iii- L'organisme visé doit être un organisme public. Les articles 3 à 7 nous spécifient ce que constitue, aux termes de cette Loi, un organisme public. Il s'agit principalement du gouvernement, de l'assemblée nationale, du Conseil exécutif, du Conseil du Trésor, des ministères, des organismes gouvernementaux (conseils, régies, offices, commissions, etc.), des organismes municipaux (villes, municipalités, communautés urbaines, régies inter municipales, corporations et conseils inter municipaux de transports, etc.), des organismes scolaires (commissions scolaires, cégeps, universités, certains établissements privés, etc.) et des établissements de santé et de services sociaux (CLSC, hôpitaux, centres d'accueil, centres de réadaptation, CPEJ, régies régionales, etc.). Il y a actuellement environ 3700 organismes québécois assujettis à la Loi ;

iv- La Loi s'applique uniquement aux documents détenus par l'organisme dans l'exercice de ses fonctions principales ou accessoires. Par exemple, le merveilleux dessin fait par Junior, fièrement affiché au bureau du fonctionnaire en chef de l'organisme X, n'est pas sujet à la Loi.

De façon subsidiaire, mentionnons que cette Loi donne accès à des documents qui, autrement ne le seraient pas. C'est donc en quelque sorte la loi de la dernière chance, car d'autres lois régissent l'accès à certains types de documents. Ce n'est pas via cette Loi que l'on peut obtenir copie du certificat de naissance de notre blonde, du contrat de prêt hypothécaire de notre député, de l'immatriculation de la compagnie propriétaire du Canadien de Montréal, de la poursuite de Monsieur X contre André Arthur ou autre. D'autres lois, moins rigides, nous permettent d'avoir accès à ces " bijoux ".

Principes généraux

Voici un condensé de ce que prévoit cette Loi :

i- Le droit d'accès : Normalement, une demande d'accès doit être adressée à la personne responsable de l'accès aux documents de cet organisme (art. 8). Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public (art. 9). Ce droit s'exerce par la consultation sur place ou par l'obtention de copies (art. 10). Ce droit doit être exercé sous réserve des droits relatifs à la propriété intellectuelle (art. 12). Par exemple, ce n'est pas parce qu'on obtient copie d'une lettre signée par un ancien Premier ministre qu'on devient propriétaire des droits d'auteur de cette lettre et qu'on peut l'exploiter commercialement. Si certaines informations dans un document ne sont pas sujettes au droit d'accès, ils peuvent être retranchés du document (art. 14) ;

ii- Restriction au droit d'accès : Elles sont regroupées en six sous-sections. Elles visent à protéger les renseignements dont la divulgation aurait des incidences sur les relations intergouvernementales (art. 18 et 19), les négociations entre les organismes publics (art. 20), l'économie (art. 21 à 27), l'administration de la justice et la sécurité publique (art. 28 et 29) , les décisions administratives ou politiques(art. 30 à 40) et la vérification (art. 41). Au travers toutes ces restrictions, il faut retenir que certaines sont impératives, la Loi dit " doit refuser ", alors que la plupart sont facultatives et la Loi dit " peut refuser ". L'importance de cette nuance est expliquée ci-après ;

iii- Procédure d'accès : La demande peut être verbale ou écrite (art. 43), mais évidemment, on ne peut aller en appel d'une demande verbale. La demande doit être adressée au responsable de l'application de la Loi (art. 43). Le responsable doit, avec diligence et au plus tard dans les vingt jour qui suivent la date de la réception de la demande, rendre sa décision et la communiquer au demandeur (art. 47). Le responsable, exceptionnellement, peut avoir droit à un délai de grâce de 10 jours (art. 47). Ces délais sont très importants car après, le responsable ne pourra plus invoquer un motif de restriction facultative pour refuser l'accès à un document. Par contre, même hors délai, les motifs de refus impératifs seront appliqués.

Si la demande d'accès touche un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical qui a été fourni par un tiers, l'organisme doit informer ce tiers et lui demander de présenter ses observations (art. 49 et 25). Dans ce cas, cet avis doit être donné dans les 20 jours de la réception de la demande d'accès et cette demande bénéficie d'un délai de 20 jours additionnels. Tout refus d'accès doit être motivé et indiquer l'article de la Loi sur lequel le refus est appuyé (art. 50).

Si la réponse n'est pas reçue dans les délais, le responsable est réputé avoir refusé l'accès (art. 52). Dans le cas d'une décision de refus, ainsi que le présumé présumé refus à cause de l'écoulement du temps, vous pouvez interjeter appel auprès de la Commission d'accès à l'information (art. 135). On peut interjeter appel d'une décision de la Commission devant un juge de la Cour du Québec (art. 147) ;

iv- Volet pénal : La Loi comporte une série d'infractions pénales pour le non-respect de certaines dispositions (art. 158 à 167).


Éléments de stratégie

À notre connaissance, les champions de l'utilisation de cette Loi sont les journalistes et les syndicats. Pourtant, de très nombreuses autres applications sont possibles. D'ailleurs, on n'a pas à justifier le pourquoi d'une demande d'accès à un document.

Voici quelques éléments de stratégies à considérer lorsqu'on veut obtenir un document :

· Une demande d'accès peut être vécue par un organisme comme une intrusion et peut créer un certain inconfort. Si on désire amplifier cet inconfort, une demande d'accès via son procureur devrait faire l'affaire ;

· Une demande ne doit pas obligatoirement être faite par écrit. Au surplus, les organismes ne cherchent pas systématiquement à refuser l'accès à tous leurs documents. Nous suggérons donc de formuler la demande verbalement au début. Si rien ne ce passe dans un délai raisonnable, faites-le par écrit ;

· Le délai de 20 jours est un délai maximum et doit être respecté par l'organisme. Servez-vous de votre agenda ;

· Si l'organisme refuse l'accès au document ou s'il est réputé avoir refusé par l'écoulement du temps ET que le jeu en vaut la chandelle, comme on dit, allez en appel ;


Conclusion

Nous espérons que ces quelques informations et commentaires vous permettront d'utiliser mieux et davantage cet outil de contrôle sur les organismes publics.


À jour au 30 septembre 2000


Avis. L'information présentée ici est de nature générale et est mise à votre disposition sans garantie aucune notamment au niveau de son exactitude ou de sa caducité. Cette information ne doit pas être interprétée comme constituant des conseils juridiques. Si vous avez besoin de conseils juridiques particuliers, vous devriez consulter un avocat.

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