Le réseau juridique du Québec : Les griefs

Les griefs


Par Me Pierre Brabant, avocat en droit du travaill, Gatineau.


Contenu


Un grief est une mésentente relative à l’interprétation ou à l’application d’une convention collective.

Les griefs sont des procédures obligatoires pour régler les litiges dans l’application, la création ou l’interprétation d’une convention collective.

Les litiges relatifs à une convention collective doivent obligatoirement procéder par les recours nommés « arbitrage de griefs » ou « arbitrage de différends ».

L'arbitrage des griefs

L'arbitrage de griefs s'impose lorsqu'il y a :

  • une contestation d’une décision de l’employeur;
  • une demande d’interprétation d’une clause de la convention collective.

Une partie pourra ultérieurement, c’est-à-dire après qu’une décision soit rendue par l’arbitre de griefs, la contester devant les tribunaux judiciaires, par pourvoi judiciaire.

(«L’arbitrage de différend »cet arbitrage s’impose lorsqu’il y a impossibilité pour les parties de convenir d’un règlement pour la création d’une convention collective. L’arbitrage de grief, ( objet du présent texte ) intervient lorsque la convention collective est en vigueur)

Les parties dans l'arbitrage de griefs

Les parties sont l’association et l’employeur et non pas le salarié et l’employeur.

En effet, les salariés individuellement ne sont pas, sauf exception, parties aux griefs et ce, même si le litige les concerne.

Certaines conventions collectives prévoient qu’un salarié peut lui-même soumettre un grief lorsqu’une décision rendue par l’employeur le concerne. Le salarié poursuit donc les étapes internes de règlement des griefs, mais l’association intervient pour les séances d’arbitrage. À de rares occasions, les conventions collectives peuvent autoriser un salarié à poursuivre le grief jusqu’à l’arbitrage.

La convention collective peut prévoir que la procédure n’est pas disponible pour certaines catégories de salariés, tels les employés à temps partiel, occasionnel ou en probation. Par contre, si le litige soulève de la discrimination ou de l’arbitraire, la procédure des griefs est disponible même pour ces salariés.

Un employeur peut également déposer un grief, par exemple, pour faire interpréter une disposition ambiguë ou pour récupérer des salaires versés en trop.

Lorsqu’un litige concerne plusieurs salariés, un grief de groupe peut être déposé.

Objet du grief

Une partie peut recourir à la procédure de grief pour contester une décision, mais aussi pour l’interprétation d’une clause de la convention. Pour avoir recours à ce dernier grief, il doit y avoir une mésentente née et actuelle, même s’il n’y a pas eu de décision ou de sanction appliquée.

Délais

Les conventions collectives prévoient habituellement des délais assez courts pour soumettre les griefs. Ces délais ont comme point de départ l’événement contesté. Le législateur a statué que ces délais ne peuvent être inférieurs à 15 jours.

Ces délais peuvent être qualifiés d’impératifs, ce qui signifie qu’aucune extension de délai ne peut être accordée.

S’il n’y a aucun délai dans la convention, le législateur a indiqué qu’un recours découlant d’une convention collective peut être entrepris dans les 6 mois.

Aucun délai n’est prévu pour la nomination de l’arbitre. Une partie peut donc demander à un arbitre de procéder à l’audition quand bon lui semble, mais doit le faire dans un délai raisonnable. Une partie qui tarde à agir est réputée avoir renoncé à son recours. L’arbitre peut ainsi déclarer un grief irrecevable pour ce motif.

Si un règlement entre les parties est intervenu pour régler le litige avant que le grief ne soit déféré à l’arbitrage et qu’une des parties refuse d’y donner suite, l’autre partie peut déférer le grief à l’arbitrage malgré l’expiration des délais.

Auditions

Les séances d’arbitrage sont publiques, mais l’arbitre peut ordonner le huis clos.

L’arbitre doit procéder en toute diligence à l’instruction du grief et, sauf disposition contraire prévue dans la convention collective, selon la procédure et le mode de preuve qu’il juge appropriée.

L’arbitre doit donner à l’association, au salarié concerné et à l’employeur l’occasion d’être entendus.

L’intervention de tiers est admise seulement si l’arbitre l’autorise.

Si une partie veut être assistée par plus d’un représentant, elle doit en faire la demande et ce sera à la discrétion de l’arbitre de l’accorder ou non.

Le lieu de l’audience doit être suffisamment grand, tranquille et éloigné du lieu où les événements en litige ont pris naissance.

L’arbitre peut, avec les parties, visiter les lieux lors de son enquête. Lors d’une telle visite, l’arbitre peut interroger les personnes qui s’y trouvent.

L’arbitre convoque les témoins à sa propre initiative ou à la demande d’une partie. Il peut refuser la convocation d’un témoin s’il considère que la demande d’assignation est futile. Les frais relatifs à ces témoins sont payables par la partie ayant proposé l’assignation, ou si l’assignation a été faite par l’arbitre, à part égales par les parties.

Preuve

Si la disposition d’une convention collective est ambiguë, l’arbitre doit l’interpréter.

Il ne peut en principe accepter une preuve relative aux circonstances entourant la négociation de la disposition en cause. Telle preuve pourrait risquer de détruire le processus de la négociation de convention collective. En effet, au cours de ces négociations, les parties doivent être libres de formuler des offres et des contre-offres, de modifier ou même d’inverser leur position de départ, sans craindre que leurs propos, leurs tactiques et les documents utilisés servent en preuve à l’arbitrage.

L’arbitre peut accepter en preuve l’usage ou pratique passée des parties lorsqu’une disposition de la convention est claire mais que les parties l’ont appliquée autrement.

Ce serait le cas, par exemple, lorsqu’un employeur ne s’oppose pas pendant plusieurs années à la diminution de la tâche de certains employés, ce qui est manifestement contraire à ce qui est prévu dans la convention collective. Dans une telle situation, il y a eu modification tacite de la convention collective et l’employeur serait forclos de déposer un grief sur la diminution de cette tâche par les salariés.

Sentence arbitrale (décision)

Les décisions, ou communément appelées sentences arbitrales, doivent être rendues dans les 90 jours suivant la fin de la dernière séance d’arbitrage.

Elles doivent être motivées, rendues par écrit et signées par l’arbitre.

La sentence arbitrale doit être rendue à partir de la preuve recueillie à l’enquête.

L’arbitre doit conserver le dossier de l’arbitrage deux ans à compter du dépôt de la sentence.


À jour au 20 mai 2022


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