Par Johanne Giguère, syndic autorisé en insolvabilité chez Pierre Roy & Associés
Que votre entreprise soit à bout de souffle et ne puisse acquitter ses obligations au fur à mesure de leur échéance, ou que vous cherchiez un moyen de fermer définitivement une entreprise qui n’opère déjà plus, diverses options s’offrent à vous.
Pourtant, lorsque vous ne savez plus où vous adresser, la recherche sur internet ou la lecture de certains articles sont souvent difficiles à comprendre pour le commun des mortels et ne viennent qu’ajouter aux maux de tête déjà existants.
Nous tenterons donc de démystifier ici, le processus de la faillite commerciale, en toute simplicité.
Quoique le règlement de certains dossiers demande l’implication de divers intervenants et peut être laborieux, la plupart des dossiers se règlent de manière assez aisée.
Commençons d’abord avec le début :
Si votre entreprise a des problèmes financiers, ou qu’elle ne génère pas assez de revenus pour couvrir ses frais et dépenses d’exploitation, la première chose à faire est d’en discuter avec un professionnel. Le comptable d’une entreprise, ou son représentant légal, pourra regarder la situation et référer celle-ci à un syndic autorisé en insolvabilité (« SAI ») dans le but d’obtenir un portrait juste et exact de la santé financière de l’entreprise.
La première rencontre avec un SAI a souvent pour but de réviser l’ensemble de la situation financière, la valeur des actifs, les dettes, l’existence de créanciers garantis et surtout, permettre de comprendre ce qui a amené l’entreprise dans sa situation actuelle et les probabilités de continuation.
Suite à cette rencontre, un plan de match sera établi et le processus pourra être enclenché.
Le processus initial consistera ensuite à rencontrer de nouveau le SAI afin de lui remettre certains documents nécessaires à la préparation du dossier (états financiers, liste des créanciers, liste des biens et des comptes à recevoir, contrats, baux, polices d’assurance, détails des sommes dues aux agences gouvernementales et/ou aux employés, etc.)
L’entreprise devra également mentionner s’il existe des biens situés à d’autres endroits ou sous garantie.
Il est à noter que contrairement à une faillite personnelle, la totalité des biens d’une entreprise qui désire faire cession de ses biens est saisissable.
Viendra ensuite la signature des documents donnant effet à la cession de biens de l’entreprise et l’enregistrement de la faillite auprès du bureau du Surintendant des Faillites (« BSF »).
Si l’entreprise possède des biens, une prise de possession immédiate sera faite par le SAI ou son représentant. La prise de possession inclut le changement des serrures, la prise en charge, par le SAI, des différents services utilitaires, s’il y a lieu ainsi que le décompte détaillé des actifs de l’entreprise. Ce décompte est fait par un évaluateur et/ou preneur d’inventaire agréé dont les services auront été retenus par le SAI.
Afin de prendre possession des actifs, le syndic a le droit de pénétrer dans tout lieu où peuvent se trouver les livres, documents, titres ou biens de l’entreprise en faillite. Certaines exceptions peuvent cependant s’appliquer lorsque les lieux sont occupés par un tiers.
Dès que cet inventaire est complété, l’administrateur principal de l’entreprise devra le réviser et le signer. L’instruction no. 7 émise par le bureau du Surintendant des Faillites fait état des mesures d’inventaire à respecter.
Il existe différents types de créanciers, soit garantis, privilégiés et non-garantis. Les créanciers garantis sont ceux qui détiennent une garantie à l’encontre des actifs de la débitrice. Ces créanciers sont généralement des institutions financières ou autres prêteurs sur actifs, compagnies de vente ou de location et/ou employés (dans la mesure où l’entreprise possède des biens à court terme).
Il est à noter que les agences gouvernementales (ARC et MRQ) possèdent, quant à elles, une réclamation de biens, en vertu de la Loi sur la Faillite et l’Insolvabilité (« LFI ») pour les arriérés de déductions à la source et cette réclamation constitue une créance « super-prioritaire », c’est-à-dire qu’elle a préséance sur les garanties ou sûretés accordées par un créancier garanti à l’encontre des actifs.
Font partie des créanciers privilégiés le locateur pour le loyer dû dans les trois mois précédant et suivant la faillite (si mentionné au bail) et les employés dans la mesure où l’entreprise ne possède pas d’actif à court terme. La Loi prévoit cependant certaines limitations dont il faudra tenir compte. Il existe également d’autres types de créances privilégiées.
Les employés d’une entreprise en faillite possèdent une réclamation garantie sur les actifs à court terme d’une entreprise (comptes à recevoir, inventaire, sommes détenues à la banque, etc.) et ce, pour un montant maximal de 2 000,00$ pour le salaire et les vacances qui leurs sont dues si ces montants ont été gagnés dans les six mois précédant la faillite.
Il est à noter que le gouvernement fédéral, via Service Canada, a mis sur pied, il y a quelques années, une mesure de protection des salaires. On l’appelle LPPS (Loi sur le Programme de Protections des salaires). Cette mesure permet aux employés lésés de se faire rembourser une portion des sommes qui leur sont dues.
Pour en savoir plus sur la LPPS : http://laws.justice.gc.ca/fra/lois/W-0.8
L’indemnité de mise à pied (préavis) constitue quant à elle, une réclamation non-garantie en matière de faillite. Elle peut cependant faire l’objet d’une demande auprès de Service Canada.
Il ne faut pas oublier que les administrateurs d’une corporation sont personnellement responsables des sommes dues aux employés à titre de salaire ou de vacances.
Les transactions sous-évaluées et les traitements préférentiels
Il est du devoir et obligation du SAI de réviser les livres et registres comptables de l’entreprise en faillite afin de déterminer l’existence d’opérations sous-évaluées ou de préférences.
Notamment, les paiements et transferts de biens faits au cours des trois (3) mois précédant la faillite devront être scrutés afin de déterminer si un créancier en particulier n’a pas reçu de traitement préférentiel. Si c’est le cas, le syndic, avec l’autorisation des inspecteurs de l’actif, pourra entreprendre les recours nécessaires afin d’obtenir le remboursement des sommes. Ce délai est prolongé à douze (12) mois si le paiement ou transfert a été fait entre personnes liées.
Les transactions effectuées dans les douze (12) mois seront, quant à elles, étudiées par le syndic qui devra déterminer si elles ont été faites pour la juste valeur marchande ou si ces opérations sont considérées sous-évaluées. En effet, le syndic a le pouvoir d’exercer des recours afin de récupérer certaines sommes et/ou annuler toute transaction jugée sous-évaluées. Le délai de douze (12) mois peut être prolongé à cinq (5) ans si les transactions ont été faites entre personnes liées. Les Articles 95 à 98 de la Loi sur la Faillite et l’Insolvabilité traitent des opérations sous-évaluées et des traitements préférentiels.
De même, les dividendes reçus par les actionnaires d’une compagnie alors que celle-ci était insolvable ou qui l’ont rendue insolvable peuvent également être enquêtés par le SAI (Article 101 de la LFI).
Une fois la faillite déposée, le syndic avise tous les créanciers et les invite à assister à une assemblée de créanciers (communément appelée « la première assemblée de créanciers »), laquelle aura lieu entre quatorze et vingt-et-un jours suivant la faillite.
L’assemblée des créanciers se déroule normalement au bureau du syndic et est présidée par ce dernier et, dans certains cas, par le Séquestre Officiel, représentant du bureau du Surintendant des Faillites. Les créanciers peuvent se présenter ou choisir de ne pas le faire, mais il incombe à l’administrateur de l’entreprise faillie d’être présent. Il est bon de savoir que depuis la pandémie de COVID-19, il est possible de tenir les assemblées de créanciers de manière virtuelle (par visioconférence ou par téléphone).
L'assemblée de créanciers a pour but de :
Lorsque le syndic est confirmé dans ses fonctions, il pourra, avec l’autorisation des inspecteurs, déterminer la méthode de réalisation des biens, qui peut comprendre l’émission d’un appel d’offres et la vente des biens par lots, donner mandat à un encanteur pour la vente par encan des biens ou la liquidation par vente au détail. En effet, dans le but de maximiser la réalisation, le syndic pourrait choisir de continuer les opérations d’un commerce jusqu’à la première assemblée des créanciers et, avec l’autorisation des inspecteurs, de continuer les opérations dans le but de liquider ses actifs par voie de « vente de liquidation » sur une période donnée.
Il faudra bien sûr établir les coûts et bénéfices entourant la décision concernant la méthode de réalisation.
Dans le cas d’un appel d’offres, les soumissions doivent être cachetées et déposées au bureau du SAI avant la date et l’heure fixée pour l’ouverture de celle-ci. Généralement, l’ouverture des soumissions se fait en présence des créanciers ou des inspecteurs nommés lors de la première assemblée des créanciers.
Le produit de la réalisation des actifs est par la suite distribué par le syndic aux créanciers y ayant droit, en suivant l’ordre de priorité prévu à la LFIet selon les ententes intervenues entre le syndic, les agences gouvernementales (pour leur réclamation de biens, s’il y a lieu) et les créanciers garantis.
Enfin, lorsque la totalité des actifs sera réalisée et que le syndic juge que son administration du dossier est complétée, il devra préparer un relevé final de recettes et de débours qui sera d’abord soumis aux inspecteurs de l’actif, puis au BSF et finalement au Tribunal pour taxation.
Le relevé final de recettes et de débours sera par la suite envoyé à tous les créanciers ayant produit une réclamation à la faillite.
Le syndic pourra alors procéder à sa libération et fermer son dossier.
Bien sûr, dans le cadre de son administration du dossier de faillite, le SAI possède de larges pouvoirs puisqu’il représente l’ensemble des créanciers et doit s’assurer de leur satisfaction. Les tribunaux ont depuis longtemps établi qu’un SAI doit agir comme un « bon père de famille » le ferait.
En conclusion, et dans le but d’éviter des questionnements ou maux de tête inutiles quant au processus ou à la nécessité de déposer une cession de biens, rien ne vaut mieux que de rencontrer un professionnel dans ce domaine, soit un syndic autorisé en insolvabilité, lequel saura répondre à toutes les questions !
Ce texte a été rédigé par Johanne Giguère, syndic autorisé en insolvabilité chez Pierre Roy & Associés. Vous pouvez communiquer directement avec le cabinet par courriel.
Voir également les autres textes de Pierre Roy & Associés :
Dernière mise à jour : 30 mars 2022
Avis : L'information présentée ici est de nature générale et est mise à votre disposition sans garantie aucune notamment au niveau de son exactitude ou de sa caducité. Cette information ne doit pas être interprétée comme constituant des conseils juridiques. Si vous avez besoin de conseils juridiques particuliers, vous devriez consulter un avocat.
© Copyright 2018
-
Pierre Roy & Associés et Jurismedia inc., Tous droits réservés.