Le présent texte constitue un ouvrage de référence faisant partie intégrante de la "Banque de textes juridiques historiques" du Réseau juridique du Québec.
L'information disponible est à jour à la date de sa rédaction seulement et ne représente pas les changements législatifs et jurisprudentiels en vigueur depuis sa rédaction.
Me Michel A. Solis, avocat, Michel Solis & associés, Montréal.
Tout le monde sait que la meilleure façon de s'assurer qu'un contrat est conclu, c'est de s'assurer que toutes les parties le signent. Cependant la rapidité à laquelle vont les affaires dans les années 2000 ne permet pas toujours de s'assurer que les deux parties ont effectivement apposé leur griffe sur le papier, surtout si le contrat représente une somme d'argent relativement modeste et les parties transigent à distance.
C'est de cette préoccupation que vient la licence "shrink-wrap" ou licence dite "d'emballage", série de conditions se trouvant à l'intérieur de la boîte d'un logiciel, que chaque utilisateur d'ordinateur personnel connaît sûrement.
La licence d'emballage souffre cependant d'un problème important au niveau juridique. En effet, les conditions de la licence d'emballage ne sont connues que lorsque la transaction est déjà réalisée, après que l'achat ait été fait; or il est essentiel (et bien logique) que l'ensemble des modalités et des restrictions d'une transaction soient connues au moment où celle-ci est conclue. Que dirait l'acheteur d'une piscine si on l'informait, une fois que la piscine est installée et payée, qu'elle ne peut être remplie plus d'une journée par semaine ?
L'Internet nous a apporté les contrats que les juristes appellent "click-wrap", ou contrats que l'on conclut en cliquant, pendant que l'on visite un site Web. Ce contrat, comme le précédent, ne comporte pas de signature. Cependant, les conditions du contrat sont connues avant que le contrat ne soit conclu. Peut-on valablement conclure une entente en "cliquant" ?
Je clique et je signe ?
La Cour supérieure de l'Ontario a dû répondre à cette question il y a quelques années lorsque deux individus ont voulu poursuivre Microsoft devant un tribunal Ontarien, alors que le contrat d'adhésion au Microsoft Network (MSN) qu'ils avaient "cliqué" prévoyait que tout litige devait être entendu dans l'État de Washington. Si le contrat conclu sur le Web était valide, la Cour ontarienne ne serait pas compétente pour entendre le litige, qui devrait être entendu dans l'État de Washington.
Les deux requérants avaient intenté un recours collectif contre Microsoft, au nom de "toutes les personnes résidant au Canada ayant adhéré à MSN depuis 1995" pour un montant de 75,000,000$, en alléguant une mauvaise facturation aux cartes de crédit des adhérents par MSN. Comme il s'agissait d'un recours collectif, les deux individus "représentaient" toutes les autres personnes décrites et le dossier était jugé pour toutes ces personnes en le jugeant pour ces deux individus.
Ces deux individus ont admis avoir bel et bien cliqué à l'endroit approprié sur le site MSN pour accepter le contrat qui leur était proposé. Ils ont présenté à la Cour, notamment, des arguments à l'effet que la clause choisissant la juridiction de Washington était peu visible dans l'ensemble du contrat et ne figurait pas sur l'écran au moment où ils avaient cliqué.
Le juge réfuta ces arguments en faisant une analogie directe avec un contrat intervenu sur papier et signé. Quant au fait que la clause était peu visible, il dit que même les petits caractères sur un contrat papier lient le signataire. Quant à l'absence de la clause sur l'écran, il dit que ce n'est pas parce qu'une clause ne se situe pas sur la page de signatures, du contrat papier, qu'elle est invalide. Le signataire a la responsabilité de lire toutes les pages.
On peut cependant déduire de la lecture du jugement que la façon dont étaient placés les textes et les boutons sur le site avait certes un rôle important à jouer dans la validité ou non du contrat conclu sur le Web. Il existe donc une obligation pour le propriétaire de la page Web de s'assurer que le contenu est disposé d'une façon qui permette de lier valablement l'internaute qui clique.
Bien que les systèmes de droit applicables aux contrats soient différents au Québec et en Ontario (Droit civil et Common Law), il est à prévoir que le résultat d'un tel procès serait similaire au Québec. En effet, le Code civil du Québec contient des dispositions qui précisent qu'une entente est réalisée lorsqu'il y a échange de consentement entre les parties. Une entente signée est probablement la meilleure manière de démontrer qu'il y a eu consentement, mais il en existe d'autres... notamment par le biais de systèmes informatiques avancés qui peuvent documenter avec précision qui a cliqué quand ?
Certains commentateurs et professeurs ont néanmoins
souligné, dans divers articles et conférences,
que le droit civil québécois pourrait être
exigeant quant à cet échange de consentements
informatisé. En effet, si l'on considère la
quantité de fois qu'un utilisateur d'Internet peut
cliquer dans une journée et ce, pour toutes sortes
de raisons, il pourrait être nécessaire pour
le propriétaire d'un site Web transactionnel de faire
en sorte que son client soit averti clairement qu'il accepte
un contrat en cliquant, et qu'il sera lié par cette
acceptation. L'emplacement des conditions sur l'écran
et sur le site peut jouer un rôle important. Pour que
le consentement soit valide, il faut évidemment que
la personne qui l'exprime sache 1) qu'elle accepte quelque
chose et 2) ce qu'elle accepte !
Donc, sachez que cliquer, ça peut aussi impliquer de
signer, mais pas dans n'importe quelles conditions.
À jour au 1er juin 2005.
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