Me Jimmy Ernst Jr. Laguë-Lambert, avocat, Lambert Avocat inc., Montréal, Qc
Ce texte vise à vulgariser et rendre accessible la compréhension et le mécanisme d'indemnisation de la CNESST. Vous trouverez dans le texte les extraits de la Loi que nous trouvons les plus pertinents pour votre compréhension. Cependant, nous tenons à vous préciser qu'il est toujours recommandé d'être accompagné par un membre en règle du Barreau du Québec dans l'ensemble de vos démarches administratives ou judiciaires.
2. Régime d'indemnisation de la CNESST
2.1 Indemnité de remplacement du revenu
2.2 Indemnité pour préjudice corporel
2.3 Indemnité de décès
2.4 Autres indemnités
2.5 Recouvrement de prestations
3. Procédure d'évaluation médicale
5. Contestation d'une décision de la CNESST
La Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité au travail, connue sous le nom de CNESST, a été créée en 2016 en remplacement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST).
Elle est l’organisme en charge d’appliquer la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (ci-après la « Loi »), qui a prévoit la réparation des lésions professionnelles ainsi que les conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires, c’est-à-dire, les travailleurs. C’est cette loi qui prévoit le régime universel d'indemnisation sans égard à la faute de quiconque (no-fault).
1.1. Quelques définitions utiles
Voici quelques définitions utiles des termes les plus couramment utilisés dans un dossier d’indemnisation à la CNESST.
Une lésion professionnelle est une « blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail, ou une maladie professionnelle ».
Elle englobe les notions d’accident du travail et de maladie professionnelle.
Un accident du travail est un « événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l’occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle ».
Vous constaterez qu'il y a 3 critères cumulatifs pour la détermination d'un accident de travail et chacun de ces critères pourront être débattus pour l'octroi ou non de la reconnaissance de l'accident de travail devant le Tribunal administratif du travail (TAT).
Il est à noter qu'en matière de harcèlement psychologique, la théorie des microtraumatismes répond aux critères d'un événement imprévu et soudain.
À défaut d'être un accident imprévu et soudain survenant à l'occasion du travail, il peut s'agir d'une maladie professionnelle.
1.1.3. Maladie professionnelle
Une maladie professionnelle se traduit par une maladie qui a été « contractée par le fait ou à l’occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail ».
Il est à noter qu’il y a des maladies professionnelles pour lesquelles une présomption existe. Une liste de ces maladies se trouve à l’Annexe I de la Loi. Dans ces cas, la CNESST présumera que le diagnostic est en lien avec le travail par rapport à la nature du travail effectué, et ce sera à l'employeur de démontrer par une contre-preuve que le diagnostic n'est pas relié au travail, mais plutôt à un facteur externe, telle qu’une condition personnelle.
S'il ne s'agit pas d'une maladie énumérée à l’Annexe I de la Loi, il est toujours possible pour le travailleur de démontrer que son diagnostic est en lien avec son emploi. Cependant, il devra en faire la démonstration par une expertise médicale.
La consolidation se définit par la « guérison ou la stabilisation d’une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l’état de santé du travailleur victime de cette lésion n’est prévisible ».
Vous constaterez qu'il est question de stabilisation d'une lésion, donc de l'atteinte d'un plateau. On parle d’atteinte d’un plateau lorsqu'on ne voit plus de signe d'amélioration concret ou de détérioration vis-à-vis des traitements.
Lorsque le plateau est atteint, il y aura alors l'évaluation de votre déficit anatomophysiologique (DAP) ainsi que l’évaluation de vos limitations fonctionnelles. Ces données permettront ainsi de déterminer votre capacité à exercer ou non tout emploi, un emploi convenable, ou retourner faire l'emploi que vous exerciez ou un emploi équivalent.
Un emploi convenable est un « emploi approprié qui permet au travailleur victime d’une lésion professionnelle d’utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles » et qui présente une possibilité raisonnable d’embauche. C’est un emploi « dont les conditions d’exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion ».
À défaut d'être capable de réintégrer le poste précédemment occupé en raison de l'accident de travail ou de la maladie professionnelle, la CNESST pourra déterminer un emploi qu'elle juge convenable en lien avec votre expérience de travail, ainsi que vos limitations physiques.
Un emploi équivalent se traduit par un emploi qui « possède des caractéristiques semblables à celles de l’emploi qu’occupait le travailleur au moment de sa lésion professionnelle relativement aux qualifications professionnelles requises, au salaire, aux avantages sociaux, à la durée et aux conditions d’exercice ».
1.2. Le congédiement en raison d’une lésion professionnelle
L’employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu’il a été victime d’une lésion professionnelle en raison du fait qu'il a fait une demande à la CNESST.
Si l'employeur manifeste des sanctions, il est important de déposer une plainte écrite à la CNESST dans un délai maximum de 30 jours de la problématique vécue ou du congédiement.
De plus, une copie de la plainte doit être transmise à l'employeur. À cet effet, il est recommandé de lui faire parvenir ladite copie par courrier recommandé et de garder la preuve de réception.
Le travailleur qui allègue avoir été victime de représailles ou de congédiement a le fardeau de prouver ses prétentions.
Cependant, si le comportement ou le congédiement survient dans les 6 mois d'une demande à la CNESST, il y a présomption en faveur du travailleur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui parce qu’il a été victime d’une lésion professionnelle ou à cause de l’exercice de ce droit. Dans ce cas, il incombe à l’employeur de prouver qu’il a pris cette sanction ou cette mesure à l’égard du travailleur pour une autre cause juste et suffisante.
Dans le cas d'une personne qui est syndiquée, deux choix s’incombent à cette dernière : la procédure de grief ou le dépôt d'une plainte devant la CNESST.
2. Le régime d’indemnisation de la CNESST
2.1. Indemnité de remplacement du revenu
Le travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s’il devient incapable d’exercer son emploi en raison de cette lésion.
De même, le travailleur qui n’a plus d’emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s’il devient incapable d’exercer l’emploi qu’il occupait habituellement.
L’indemnité de remplacement du revenu est égale à 90% du revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi. Cette indemnité est versée sous forme de rente une fois par deux semaines.
2.1.1. Cessation de l’indemnité de remplacement du revenu
La CNESST cesse de verser une indemnité de remplacement du revenu à la première des dates suivantes:
2.1.2. Suspension de l’indemnité de remplacement de revenu
La CNESST peut réduire ou suspendre le paiement d’une indemnité dans les situations suivantes :
Lorsque le motif justifiant sa décision de cesser, réduire ou suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu n’existe plus, la CNESST peut verser cette indemnité rétroactivement à la date de la prise de décision.
2.1.3. Présomption d'invalidité
Le travailleur est présumé incapable d’exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n’est pas consolidée. Cependant, l'employeur pourra utiliser une contre-épreuve médicale afin d'établir l'aptitude du travailleur de retourner au travail. De plus, malgré la consolidation, le médecin traitant pourra déclarer que le travailleur est apte à retourner travailler.
Le travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée a droit à l’indemnité de remplacement du revenu tant qu’il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d’exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d’exercer à plein temps un emploi convenable.
2.1.5. Rechute, récidive ou aggravation
Si votre lésion professionnelle est consolidée et il appert que votre état de santé vous empêche de nouveau d'exercer votre emploi occupationnel habituel, équivalent, convenable (déterminé) ou tout emploi, il est toujours possible de faire remplir un rapport de votre médecin afin de faire réévaluer votre dossier.
Il est important de noter que vous avez 6 mois pour faire une demande de rechute, récidive ou aggravation à partir du moment de la connaissance de l'évolution de votre situation de santé.
Par exemple, si vous apprenez qu’une nouvelle IRM dénote que votre hernie s'est aggravée, mais que votre médecin ne remplit votre rapport de rechute, récidive ou aggravation qu’un an après, votre demande risque d'être refusée, car elle sera prescrite (hors délai).
Il est donc bien important d'être accompagné par un avocat membre en règle du Barreau du Québec et faisant partie d'un ordre professionnel qui pourra vous guider et monter le dossier de manière approprié dès le départ.
2.2. Indemnité pour préjudice corporel
Le travailleur qui est victime d’une lésion professionnelle qui subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychologique a droit de demander une indemnité pour préjudice corporel. Cette indemnité tient compte du déficit anatomophysiologique (DAP), du préjudice esthétique, ainsi que des douleurs et de la perte de jouissance de la vie découlant du préjudice subi.
De plus, s'il y a aggravation de son état, le travailleur aura aussi droit à une indemnisation pour cette aggravation. Il est à noter qu'un dossier de CNESST n'est jamais fermé; cependant, vous devrez prouver avec un rapport du médecin qu'il y a aggravation en lien avec l'accident de travail.
Le conjoint du travailleur décédé a droit à une indemnité forfaitaire. Outre cette indemnité forfaitaire, il a aussi droit à une indemnité équivalant à 55% de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle avait droit le travailleur à la date de son décès ou à laquelle il aurait eu droit à cette date s’il était incapable d’exercer son emploi en raison d’une lésion professionnelle.
Si le travailleur décédé n’a pas de conjoint à la date de son décès, mais a un enfant, ce dernier a droit à une indemnité forfaitaire s’il est :
Une personne peut demander le remboursement de certains frais prévus par la Loi. Par exemple, on peut penser à l’achat des prothèses ou orthèses, ainsi que la réparation ou le nettoyage des vêtements suite à un accident.
Afin de vous assurer de la couverture de ces frais par la CNESST et du montant maximal remboursable, nous vous suggérons de demander l'autorisation préalable. Une fois l'autorisation préalable obtenue, il faudra soumettre une copie de votre facture le plus rapidement possible afin d'éviter des questions de délai.
2.5. Recouvrement des prestations
Si un travailleur a reçu une indemnité de remplacement du revenu sans droit, alors que son état est consolidé, la CNESST doit recouvrer ce montant.
Une telle situation survient lorsque le médecin traitant du travailleur a informé ce dernier de la consolidation de sa lésion professionnelle sans aucune limitation fonctionnelle, et que le travailleur n’a pas informé sans délai son employeur de ce fait.
3. Procédure d’évaluation médicale
La Loi prévoit des règles spécifiques concernant l’évaluation médicale du travailleur qui a subi une lésion professionnelle. Regardons les obligations de chaque partie impliquée.
3.1. Obligations du médecin traitant
Le médecin traitant est celui qui prend charge du travailleur qui est victime d’une lésion professionnelle.
Il doit remplir plusieurs obligations en vertu de la Loi, entre autres, fournir une attestation et un rapport sommaire, y indiquant la date de l’accident de travail, le diagnostic principal, la période de consolidation de la lésion professionnelle, les soins médicaux prévus et l’existence de séquelles chez le travailleur.
3.2. Procédure de contestation
La CNESST ou l’employeur peut exiger que le travailleur victime d’une lésion professionnelle se soumette à un examen du médecin désigné par cette dernière, afin de contester l’évaluation faite par le médecin traitant du travailleur.
La contestation de l’évaluation médicale peut porter sur le diagnostic, la date ou la période de consolidation, les modalités de soins médicaux (nature, nécessité, suffisance, durée), le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique ou l’existence des limitations fonctionnelles du travailleur.
Dans l’éventualité où le médecin de la Commission en vient à une conclusion différente, la Loi prévoit une procédure de contestation, où le dossier est référé au Bureau d’évaluation médicale.
Lorsqu’un membre du Bureau d’évaluation médicale (BEM) rend un avis médical, la CNESST y est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.
Le travailleur qui a été victime d’une lésion professionnelle et subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit aux mesures de réadaptation pour faciliter sa réinsertion sociale et professionnelle. Un plan individualisé de réadaptation est alors conçu pour comprendre les différents besoins du travailleur.
Ce type de réadaptation sert à éliminer ou atténuer l’incapacité physique du travailleur et de l’aider à développer sa capacité résiduelle pour pouvoir pallier ses limitations fonctionnelles résultant de sa lésion professionnelle.
Différents traitements médicaux peuvent faire partie d’un programme de réadaptation physique, tels que la physiothérapie, l’ergothérapie des exercices d’adaptation à une prothèse ou une orthèse.
On peut également prévoir dans ce programme des soins à domicile, qui sont offerts par la CNESST lorsqu’ils sont requis et prescrits par le médecin du travailleur.
La réadaptation sociale est une mesure d’adaptation pour aider le travailleur à surmonter les diverses conséquences de sa lésion professionnelle, autant personnelles que sociales, et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
Un programme de réadaptation sociale peut inclure, entre autres, des services professionnels d’intervention psychosociale, l’adaptation du domicile ou du véhicule principal du travailleur, l’aide personnelle à domicile, ainsi que le remboursement de certains frais, tels que les frais de garde d’enfants ou du coût des travaux d’entretien courant du domicile.
4.3. Réadaptation professionnelle
La réadaptation professionnelle permet au travailleur de faciliter sa réintégration dans son emploi ou d’accéder à un emploi convenable.
Par l’entremise d’un programme, on peut prévoir différents services, tels qu’un programme de formation professionnelle, des services de support en recherche d’emploi, l’adaptation d’un poste de travail, ainsi que le paiement de subventions ou de frais de déménagement près d’un nouveau lieu de travail.
5. Contestation d’une décision de la CNESST
Toute décision rendue par la CNESST est révisable par une procédure interne de révision administrative, et par la suite, par le Tribunal administratif du travail.
5.1. Révision administrative à la CNESST
Si vous n’êtes pas d’accord avec une décision rendue par la Commission, que ce soit concernant une indemnité de remplacement du revenu, un diagnostic médical ou le remboursement de frais de traitements médicaux, il faut demander une révision administrative par écrit, dans les 30 jours suivant la décision initiale.
5.2. Recours au Tribunal administratif du travail
Si vous n’êtes toujours pas satisfait suite à la décision rendue en révision, vous avez droit à un recours devant le Tribunal administratif du travail. Il faut cependant respecter un délai de 45 jours suivant la décision en révision pour contester devant ce tribunal, à défaut de quoi votre recours sera prescrit.
À jour au 1 mars 2023
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