Le présent texte constitue un ouvrage de référence faisant partie intégrante de la "Banque de textes juridiques historiques" du Réseau juridique du Québec.
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Raymond Landry, avocat, Montréal.
La fibromyalgie constitue une source de litige fréquente en assurance-invalidité. Une personne atteinte de ce syndrome peut-elle, cependant, espérer être indemnisée?
En général oui mais certaines questions posent des difficultés particulières et chaque cas doit être examiné à son mérite.
La fibromyalgie n'a pas de cause connue. C'est pourquoi on considère qu'elle est un syndrome et non une maladie. Le syndrome se définit comme "la réunion d'un groupe de symptômes qui se reproduisent en même temps dans un certain nombre de maladies. Puisqu'il peut avoir des origines diverses, le syndrome se distingue donc en principe de la maladie due (en principe) à une cause spécifique"1.
Or, même si la police d'assurance énonce le mot maladie dans sa définition d'invalidité, ce concept doit être entendu juridiquement et non médicalement; en conséquence, "tout désordre involontaire de l'organisme doit être classifié comme une maladie au sens de la police"2.
Ainsi, aux fins d'indemnisation en assurance-invalidité, la fibromyalgie sera considérée comme une maladie au sens de la police d'assurance même si médicalement elle consiste en un syndrome.
Sous un autre aspect, cependant, l'absence de cause connue à la fibromyalgie pourra comporter des conséquences défavorables envers l'assuré lorsque, par exemple, la police exige un substratum organique aux troubles soufferts par l'assuré en excluant les troubles névrotiques ou les troubles de personnalité. Dans un tel cas, comme l'assuré a le fardeau de la preuve et même si la fibromyalgie est associée à une douleur localisée à 9 endroits bilatéraux précis du corps humain que décèle la palpation, il pourra être difficile pour la personne atteinte de fibromyalgie de faire reconnaître son invalidité surtout si sa fibromyalgie est accompagnée de troubles psychologiques.
En l'absence de telles exclusions cependant, la fibromyalgie pourra constituer une source d'invalidité même si une brochure publiée par le Collège des médecins du Québec souvent citée par les assureurs en défense - et pour cause - énonce que "la fibromyalgie ne devrait pas être une condition invalidante en soi" parce que "la notion d'invalidité totale n'est pas principalement une question médicale mais plutôt une question juridique"3.
Le tribunal examinera d'abord la preuve médicale et, si la preuve médicale n'est pas concluante ensuite la preuve profane, c'est-à-dire celle constituée par les témoins ordinaires, à commencer par le témoignage de la victime elle-même. Si la preuve profane montre par exemple un demandeur (le plus souvent une demanderesse) qui ne paraît guère en bon état physique, qui exhibe une forme de lassitude, qui ne consacre qu'une heure par semaine aux travaux ménagers, quinze minutes à la préparation des repas, dort mal, éprouve des raideurs, pour laquelle il est difficile de travailler, qui se sent stressée, manque d'énergie, et que son témoignage soit corroboré, l'action a des chances de réussir mais si, en revanche, la preuve montre un demandeur filmé sur vidéo par les enquêteurs engagés par l'assureur en train de conduire la voiture d'un ami, rester debout jour après jour pendant plusieurs heures consécutives devant des appareils de jeu, courir de sa voiture à l'entrée du bingo ou de l'hôpital, transporter une grosse boîte d'un magasin à la voiture, l'action risque d'échouer.
Règle générale, c'est la preuve profane qui fait pencher la balance beaucoup plus que la preuve médicale. Quant à cette preuve médicale, il sera préférable de l'offrir par l'entremise d'un rhumatologue; un juge a déjà dit d'un neurochirurgien cité comme expert par la défense que "ce témoin ne possède pas de connaissance spécialisée en rhumatologie ou en fibromyalgie, ce qui atténue la valeur probante de sa conclusion"4.
L'assuré sera cependant toujours en meilleure position lorsque l'assureur aura commencé à le payer, surtout en longue durée comme le fardeau de la preuve s'en trouvera alors renversé. Il incombe alors à l'assureur d'établir l'extinction de l'obligation en démontrant la cessation de l'invalidité5.
Comme il s'agit d'une affection de découverte récente reconnue par l'Organisation mondiale de la Santé en 1992 seulement, très peu de cas d'espèce ont été portés devant les Tribunaux et moins d'une dizaine seulement ont fait l'objet de décisions publiées, toutes en Cour supérieure. Aucun arrêt de la Cour d'appel n'a encore été répertorié. Le droit en la matière est donc appelé à évoluer.
1 Charpentier c. Standard Life 1998
RRA 448 à la p. 450 par M. le juge François Bélanger.
2 Bouliane c. SSQ 1997 RRA 368 à la
p. 371 par M. le juge Pierre J. Dalphond.
3 Bastien c. Crown Life 1998 RRA 1043
à la p. 1051 par M. le juge Orville Frenette.
4 Gratton-Simard c. Cie T. Eaton ltée
500-05-006221-947 à la p. 24 du jugement par M. le juge Pierre
Tessier.
5 Caisse populaire de Maniwaki c. Giroux
1993 RCS 282 aux pp. 297 à 300.
Dernière mise à jour au 15 décembre 2000.
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