Me Vincent Allard, avocat et président de CorpoMax Inc. et Jurifax.
Très souvent, les gens d’affaires s’imaginent qu’un
contrat ne peut légalement exister que s’il est sous
la forme d’un écrit. Autrement dit, selon eux, rien
ne peut les engager s’ils n’ont pas signé préalablement
un papier en bonne et due forme. Dans le même ordre
d’idées, ces personnes croient qu’elles peuvent dire
n’importe quoi ou presque à leurs relations d’affaires:
pas de problème, rien n’est écrit !!! Détrompez-vous...
Les faits: En 1990, la Cour supérieure du Québec a rendu un jugement fort important dans la cause Renzo c. Prudential-Bache Securities Canada ltd et al. Dans cette affaire, le demandeur Renzo a poursuivi ladite maison de courtage et son représentant en dommages à la suite de pertes encourues à la Bourse. Après que le représentant en question eut subi un contre-interrogatoire serré de la part de l’avocat de Renzo, celui-ci demanda à la Cour l’autorisation de faire entendre l’enregistrement d’une conversation téléphonique qui eut lieu entre ledit représentant et Renzo lui-même. Par cet enregistrement, le demandeur voulait ainsi attaquer la crédibilité du représentant et confirmer le fait que certaines représentations lui avaient été faites. Bien entendu, le défendeur dont les propos téléphoniques avaient été recueillis sans son accord préalable s’objecta catégoriquement à cette demande d’autorisation.
Le jugement: Dans son jugement, le juge souligna tout d’abord que les tribunaux civils avaient à plusieurs reprises accepté en preuve l’enregistrement d’une conversation téléphonique, certains posant toutefois des critères d’admissibilité (enregistrement fait sans contrainte, représentation fidèle des paroles prononcées et absence de doute sur l’identité de la personne dont la voix a été captée). D’autre part, il indiqua que l’enregistrement par le demandeur d’une conversation téléphonique avec le défendeur, même à l’insu de ce dernier, n’allait pas à l’encontre du droit criminel. Ensuite, il précisa que la Charte canadienne ne s’appliquait pas à un litige civil entre particuliers. Enfin, il statua que le Tribunal devait se soucier de la recherche de la vérité et ce, de façon absolument primordiale:
"...le Tribunal considère que l’enregistrement d’une conversation téléphonique intervenue entre personnes ayant une relation d’affaires est admissible en preuve dans une cause découlant de cette relation d’affaires."
D’ailleurs, toujours en 1990, la Cour suprême du Canada a statué que l’enregistrement d’une conversation téléphonique n’était pas illégal si l’une ou l’autre des parties à la conversation était au courant de l’enregistrement.
Ces jugements et plusieurs autres mettent donc en relief le principe que la fin justifie les moyens. La recherche de la vérité se voit donc offrir des outils modernes (un magnétophone, par exemple) qui reçoivent la bénédiction des tribunaux. Faudra-t-il pour autant se méfier de tous et chacun ? Normalement, celui qui dit la vérité ne devrait pas avoir peur que ses propos soient enregistrés, même à son insu...
Le Code civil du Québec: Le Code civil du Québec contient des dispositions précises quant aux éléments et moyens de preuve:
Art. 2857. "La preuve de tout fait pertinent au litige est recevable et peut être faite par tous moyens."
Art. 2858. "Le tribunal doit, même d’office, rejeter tout élément de preuve obtenu dans des conditions qui portent atteinte aux droits et libertés fondamentaux et dont l’utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice..."
En 1995, la Cour supérieure a jugé que l’enregistrement par une mère d’une conversation téléphonique entre son enfant mineur (dont elle avait la garde) et son père était admissible en preuve, les circonstances faisant en sorte que l’article 2858 C.c.Q ne recevait pas application.
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Dernière mise à jour : 9 août 2024
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