Le présent texte constitue un ouvrage de référence faisant partie intégrante de la "Banque de textes juridiques historiques" du Réseau juridique du Québec.
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Yves Paré, avocat, Bernier Beaudry, société d'avocats s.e.n.c., Sainte-Foy.
Dans une décision rendue le 25 novembre 1999, 5 des 7 juges de la Cour suprême du Canada ayant entendu l'affaire (65302 British Columbia Ltée c. La Reine) ont déterminé que les amendes et pénalités payées dans le but de tirer un revenu d'entreprise étaient déductibles du revenu, donnant ainsi une gifle aux autorités fiscales canadiennes.
Le contribuable, qui exploitait une entreprise avicole, avait délibérément décidé de produire au-delà de son quota, de façon à répondre aux besoins de son principal client de peur de le perdre, d'où le versement d'une taxe compensatoire pour dépassement de quota d'environ 270 000,00$ qu'il déduisit de son revenu. Il s'était par ailleurs évidemment imposé sur les revenus provenant de la production excédentaire à son quota.
Revenu Canada contesta la position du contribuable en prétendant qu'il irait à l'encontre de l'ordre public de permettre la déductibilité de ladite amende.
5 des 7 juges du banc ayant entendu cette affaire rejetèrent les arguments de Revenu Canada et donnèrent raison au contribuable. S'appuyant sur le texte de la Loi de l'Impôt sur le Revenu, la Cour conclut que le seul critère applicable consistait à déterminer si la dépense avait été encourue dans le but de tirer un revenu et que, dans un tel cas, à moins d'une disposition expresse à l'effet contraire, la dépense devait être déductible, le rôle des tribunaux n'étant pas de créer des distinctions là où la loi est silencieuse. Ainsi, la Cour détermina sur la base de la preuve versée au dossier que la décision du contribuable d'outrepasser son quota en était une purement commerciale, prise effectivement dans le but de gagner un revenu et puisqu'aucune disposition expresse n'empêchait sa déduction, cette dépense devait être déductible.
Que doit-on retenir de cette décision? D'abord, qu'encore une fois, la Cour suprême du Canada a rappelé aux autorités en place qu'à la faculté de légiférer se rattache la responsabilité de le faire d'une façon claire. Se référant notamment à l'article 67.5 de la Loi sur l'impôt sur le revenu (L.I.R.) édicté en 1994, interdisant spécifiquement la déductibilité des pots-de-vin versés à des fonctionnaires, elle a invité le Parlement à légiférer expressément de façon à rendre non déductibles les pénalités et amendes si telle était vraiment son intention.
En second lieu, nous devons retenir que les faits particuliers de l'affaire en cause furent déterminants dans la décision du plus haut tribunal du pays. Ainsi, deux des sept juges conclurent à la déductibilité de la dépense pour des motifs différents. Selon eux, le facteur à retenir consiste à déterminer si le but de la disposition prescrivant l'amende serait contrecarré ou annihilé si l'on concluait à sa déductibilité. Qualifiant de compensatoire et non de punitif le caractère de l'amende en cause , ils conclurent à sa déductibilité. La majorité de la Cour a par ailleurs conclu qu'il était envisageable qu'une infraction soit à ce point flagrante ou répugnante, que l'amende ou pénalité imposée par la suite ne puisse se justifier comme ayant été encourue en vue de produire un revenu.
Qu'en est-il de la déductibilité de votre prochaine contravention pour excès de vitesse? La question demeure ouverte.
L'on peut retenir qu'une amende encourue dans le but de gagner un revenu peut être déductible. Par contre, si tel n'est pas le but visé ou que l'objet de l'amende serait de ce fait ainsi contrecarré ou annihilé, elle pourrait ne pas être déductible.
Mise à jour au 22 juin 2000.
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